jeudi 18 août 2016

[Bonus] Quelques croquis à la volée

L'aventure a pris fin, les sacs à dos sont rangés. Pourtant, dans le long trajet qui nous ramenait en France, des anecdotes sont revenues. Des instantanés, des croquis pris à la volée, que nous n'avions pas partagé.
En guise de chapitre « Bonus », voici quelques dernières images venues d'Ailleurs.
 
 
 
 
Vision lunaire.
 
Nous sommes assises le dos appuyé sur la yourte, dans les seuls centimètres d'ombre que le pâturage saurait offrir. La journée a été longue, nous sommes assommées par les cinq heures de marche en plein soleil. Un cavalier, sorti de nulle part, se dresse devant nous. Sa peau plissée, ridée, burinée par le soleil, trahit les saisons qui se sont écoulées. Il a les yeux en amande et les pommettes hautes. Le vieil homme porte de hautes bottes de cuir et une veste un peu large. Sur sa tête, il arbore fièrement le chapeau en feutre brodé.
 
- Ad kouda?
(vous venez d'où?)
 
- Francia
(De France)
 
- Bonaparte Napoléon!
Sans attendre de réponse de notre part, il reprend les rênes de son cheval et s'élance vers l'est. Serait-ce une vision?
 
Tâter du cuisseau
Au bord du lac Song Kol, à trois mille mètres d'altitude. Le doyen du camp de yourtes est un vieux monsieur en costume rayé bleu marine, complété du chapeau traditionnel. Drôle d'accoutrement pour une vie dans les alpages. L'homme aurait 68 ans, à moins que nous n'ayons pas bien compris les chiffres russes. Pas impossible.
Il engage la conversation. Il est drôle, avec sa curiosité sans borne. Tout l'intrigue : mon téléphone, les Ray Ban de Justine qu'il s'empresse d'essayer. Le contraste entre les montures roses, le costume et les yourtes est décapant. Il s'adresse à Justine :
Lui : Vous êtes mariée?
Justine : Presque
Lui : ah, c'est bien
 
Et sans autre explication, voilà qu'il attrape le mollet de Justine, pour lui tâter le cuisseau! Est-elle bonne à marier? Combien de chevaux pour la dote?
 
Nous n'en saurons pas plus.
Grands éclats de rire une fois le vieillard parti.
 
C'est quelle vertèbre à ton avis?
Notre second camp de yourte est plein de jeunes enfants. La maman nous les présente. Elle en a trois, de six mois à sept ans. Il y a aussi ses neveux et nièces, qui partagent le pâturage avec la famille.
 
La plus grande des filles nous inonde de prospectus sur le tourisme communautaire et l'histoire du Kirghizstan. Elle apporte ensuit un grand sac en plastique dans lequel se trouvent... des vertèbres de mouton.
Ah... Euh... Effectivement, on jouait aux osselets quand nous étions petits. Mais ils étaient en plastique. Là, visiblement, ce sont des vrais. Rien de plus normal, à la réflexion!
Les règles du jeu ont l'air simples. Il s'agit de faire une pichenette sur les os pour les faire s'entrechoquer. Cependant, il faut toquer deux vertèbres identiques. Pour ma part, impossible de les reconnaitre. De plus, elles sont collantes et poisseuses. Je fais surement un peu ma mauvaise tête, tant le contact avec les os me dégoûte. Je perds trois parties et cède le tour à Justine. Solidarité!
 
Dératisation
Kazakhstan. Nous sommes parties aux aurores pour faire la route aux heures les plus douces. Avec Niels et Léna, ainsi que  sa sœur Nadja et son copain Dima, nous prenons la route pour le canyon de Charyn.
 
9h20, nous arrivons à la guérite de l'entrée.
Le chauffeur descend pour saluer les gardes. Soudain de la fumée sort du volant. De la fumée?? Ca sent le brûlé là! Le chauffeur revient, ouvre le cache qui entoure le socle du volant. Il fait trop chaud, les câbles ont fondu.
 
Justine, à demi-mot : Ca promet! Faudrait pas que le van complet fonde, on a un train à prendre ce soir!
 
Le chauffeur n'est pas inquiet, alors, "normal na" comme on dit par ici.
Par contre les palabres avec les gardes sont plus longs qu'attendus.
 
Léna: Fermé? Comment ça s'est fermé?
Le gardien : Nous procédons à des mesures sanitaires
Léna : De quoi s'agit-il?
Le gardien : C'est pour la dératisation du canyon, pendant deux jours
Léna : Aujourd'hui? Mais on a appelé hier, rien n'était prévu
Le gardien : Le canyon ferme à 10:00. Vous avez 40 minutes pour visiter.
 
Regards médusés des voyageurs que nous sommes. 40 minutes? 2400 secondes?? Alors que nous avions prévu d'y passer ... 4 heures??
 
Niels : Ah non, c'est pas possible! On n'a pas fait 4 heures de route pour une balade de 40 minutes dans le canyon???
A priori si...
 
Nous descendons donc en voiture dans la gorge. Il y a plein de petites bêtes poilues, qui ressemblent à des gerbies. Sont-elles porteuses de peste? De choléra?
A l'entrée de la piste qui mène au canyon, nous verrons d'autres véhicules stationnés. Ils sont arrivés après 10h et n'auront pas même l'espoir de pénétrer dans la réserve.
 
Les militaires à l'entrée nous expliqueront qu'il s'agit d'une mesure annuelle, décidée après les dernières pluies. Elle vise à éviter les épidémies et la propagation des virus à travers la steppe.
 
Nous chauffeur est une perle. Il saura dans l'instant proposer un autre circuit. A ses côtés, nous passerons treize heures dans les reliefs du sud est du Kazakhstan.
 
Vous reprendrez un peu de protéines?
Dernier dîner à Bishkek, où nous retrouvons Tohir. Il est tadjik, a fait ses études à l'Université Américaine de Bishkek. Nous avons fait sa connaissance à Paris, au cours de notre première expérience réciproque de CouchSurfing. Il était alors en stage à La Haye, aux Pays Bas.
 
Nous le retrouvons en Asie Centrale. Depuis, il a appris le français, qu'il parle presque sans faux pas. Il a décroché un poste en or pour une ONG Allemande qui œuvre sur des problématiques de développement économique dans la région. C'est avec grand plaisir que nous nous retrouvons pour dîner, dans l'un des seuls restaurants de la ville qui sert des plats végétariens.
 
Les limonades sont services depuis un moment déjà. Voici les plats. J'ai opté pour des spaghettis au pestos d'épinards et pignons de pain. Un petit goût d'Italie en kirghizie!
La sauce est parfaite. J'approche ma première bouchée. Je regarde, satisfaite, le contenu de mon assiette.
... Attends, ça bouge là dedans non?
Euh... Au milieu des pignons... Là... Ah c'est pas vrai?? Un asticot aussi gros et gras que les pignons! Il aurait pu resté à couvert s'il n'avait pas tant gesticulé. Le fourbe!
Beurk...
 
Je suis prise d'un fou rire, qui embarque instantanément mes deux comparses.
Tohir rappelle la serveuse, pour lui signifier la présence de protéines dans le plat végétarien! Elle rapporte l'assiette en cuisine, revient cinq minutes plus tard.
Elle nous explique que c'est à cause des pignons. Puis me demande si je veux commander la même chose.
Je réponds par l'affirmative... mais sans les pignons!
 
Instantanés - pris sur le vif
   - Au bord de la route, des camions entiers chargés de melons et de pastèques. Devant leur véhicule, des balances électroniques pour la pesée de la marchandise. Ils sont parfois mis en valeur, sur le bas-côté, lustrés et brillants.
 
   - En ville, des femmes vendent des cigarettes à l'unité et proposent pour une somme modique, de monter sur un pèse personne. Alors que chez nous se peser est assez pudique, ici les gens le font en pleine rue. A croire que la balance n'a pas fait son entrée dans les maisons
 
   - Partout, tout le temps. Les hommes sont accroupis, les pieds à plat sur le sol. Ils semblent posés sur leurs mollets. Il faut être né en Asie Centrale pour réussir à tenir cette position.
 
   - A Kochkor, nous cherchons à nous restaurer rapidement avant de reprendre la route. Nous poussons la porte d'une cantine grouillante. C'est visiblement le point de ralliement des militaires. Il y a aussi quelques familles. Les tables sont recouvertes de toiles cirées fleuries. Sur chacune, il y a une bouteille en plastique avec une sorte de vinaigre blanc et des légumes qui y marinent. La cuisine bat son plein. Les marmites géantes sont pleines de Langman et de plov. Il y a aussi des Mantis, ces gros raviolis fourrés à la viande et au gras. Le balais des assiettes est aussi vif que le débit des convives.
Montant de l'addition pour nous deux : 1,20€. Imbattable!
 
   - A la sortie du  bazar de Och, nous cherchons un coin de verdure pour pique niquer. Nous bifurquons le long de la rivière. Quelle surprise! Nous pénétrons dans une vaste fête foraine, pleine de bruits d'enfants. Les attractions sont colorées. Ici une grosse chenille orange, là des tirs de fléchettes. Une petite gamine passe devant nous dans une voiture télécommandée par son grand frère. Partout, des vendeurs de glace et de boissons. Les adultes ne sont pas en reste. Vision chimérique d'un paradis caché.
 
   - L'alcool fait des ravages, nous faisons de tristes rencontres. Dans la marchroutka qui nous conduit d'Issy Koul à Bishkek, un homme complètement imbibé à 7h du matin vient traîner sa loque dans le minibus. Le bougre tient à peine debout. Il empeste l'alcool. Le véhicule est presque plein, des femmes montent à bord. Bien sûr, personne ne souhaite s'en faire un voisin. Un gaillard se dévoue, cède sa place à une dame. Dans le fond du bus, il attrape l'épave par le col et le redresse sans mot dire. Il calle ses larges épaules dans le siège, ne laissant plus d'espace à l'alcoolique pour étaler sa misère. Il descendra deux heures plus tard, il tient à peine debout. Je revois également cette femme, assise sur un trottoir à Bishkek, un ours en peluche à ses pieds. Au-delà de l'alcool, c'est surement l'héroïne qui a fait des ravages. Les routes de la Soie masquent une autre réalité, c'est des routes de l'opium. Cultivées en Afghanistan voisin, les drogues traversent les frontières sans passeport.
 
    - Un moelleux incomparable, une texture douce et un léger goût de levure. Impossible de clôre ce carnet de route sans parler une nouvelle fois du pain Kirghize. Nous en avons mangé sans compter, tartiné de confiture d'abricots et trempé dans un thé noir brûlant. Il y a aussi ce cake à la crème de lait de jument, préparé au petit déjeuner du dernier jour de notre expédition dans les alpages. Il me rappelle les après-midi avec mes cousines chez Madame Prieure. Tante Claudette, toi qui me lis, sache que tu as des consœurs en Asie Centrale qui partagent ta recette (au détail près de la provenance du lait!)
 
Il y aurait surement beaucoup d'autres choses à raconter, des petits détails sortis de nulle part, ces choses du quotidien qui n'interpellent que ceux qui ne les connaissent pas.
Voyager, c'est ouvrir les yeux sur l'inconnu et sur ce qu'on imagine connaître. C'est s'interroger sur tout et ouvrir sa curiosité au plus élémentaire. Nous espérons vous avoir fait partager un petit peu de tout cela au travers ces récits de voyage.
 
Bon été à tous!

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