jeudi 18 août 2016

[Chapitre 3] Instants nomades

"A man should move because the sun, moon, stars, animals, fishes. Everything moves and only the Land and the dead are still"
 Proverbe nomade
 
Les femmes s'affairent devant la yourte. Elles roulent les boulettes de fromage de brebis, pour les faire sécher en plein soleil. Elles constitueront des encas pour l'hiver. Les enfants jouent tout autour. L'un fait du vélo, l'autre faire rouler un camion en plastique entre les mottes de terre.
 
Le ciel se couvre. Le temps vire à l'orage.  La pluie s'annonce de l'autre côté du lac. Il faut mettre à l'abri ce qui doit l'être. Les hommes ferment les Tunduk, l'orifice qui surplombe les yourtes. Des bâches en plastique sont posées sur les tas de bouse séchées. Elles servent à allumer le poêle à bois, et sont stockées en prévision de l'hiver. Les nomades vivent aujourd'hui en préparant demain.
 
La vie dans les jaloos, les alpages kirghizes, s'articule avec la météo. Ici, seul le soleil semble régler les activités. La journée commence au lever du jour. Les moutons, chevaux et vaches s'offrent la plus belle mangeoire qu'il soit : l'immensité des steppes.
 Les juments sont traites pour préparer le koumous, le lait fermenté. Dehors, le samovar fume, en prévision des rasades de thé qui seront partagées par les habitants et leurs hôtes.
 
La vie semble se tisser paisiblement. Il faut aller chercher de l'eau, préparer les confitures, soigner les animaux. Les hommes chevauchent d'un camp à l'autre, d'une vallée à l'autre. Naturellement.
 
Avant la nuit, il faut regrouper les troupeaux disséminés, rameuter les bêtes, les enfermer dans leurs enclos. La nuit, les loups rôdent. Le chien guète, aboie pour faire fuir les prédateurs.
 
Tous semblent vivre en parfaite harmonie avec la nature.
Nous mesurons l'empreinte de chacun de nos gestes. Notre conscience environnementale n'a probablement jamais été tant aiguisée. Nous observons, des heures durant, cet écosystème si bien accordé.
 
Pour autant, nous sommes loin d'un mode de vie archaïque. Les bergers habitent en ville une partie de l'année, vont à l'école et s'affairent comme tous les gens de leur âge. Le temps d'une transhumance, ils renouent avec leurs racines nomades. Le russe laisse place au kirghize. Ils retourneront au village en septembre.
 
Nous passons quatre jours avec les nomades, de yourtes en yourtes. Le même schéma se répète, le loin en loin.
 
Demain, nous regagnerons Kochkor.

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