Notre expédition kazakhe prend fin. Il est temps de regagner
Bishkek, d'où nous prendrons l'avion pour Paris.
Nous avons des
billets pour un bus de nuit, de Shimkent à Bishkek. Départ 18:30, arrivée 3:30
du matin, Inch Allah.
Il est dix-huit heures et le thermomètre du taxi affiche
encore 40 degrés. L'air est sec, brûlant. Il pique les yeux, assomme les
organismes peu habitués à de pareils climats (surtout ceux qui crapahutent
quand même en plein soleil, parce qu'on ne vit qu'une fois et que les vacances sont
trop courtes!).
La gare routière est une fournaise. Nous achetons de l'eau
avec les quelques derniers tengués qu'il nous reste. Nous avions vu un peu
court dans le retrait au distributeur alors on tire sur les bouts de
chandelles. Il nous reste de quoi acheter de l'eau, du pain et payer la pause
pipi. En fait, on est large quoi!
Le bus... Que dire? Huit heures de trajet nous attendent
dans une vieille boîte de conserve... Premier constat, première analyse de
l'extérieur : les vitres ne s'ouvrent pas. Alors soit il y a la clim et on va
mourir congelées, soit elle ne fonctionne pas et on va mourir étouffées. On a
envisagé, naïvement, la première solution. Nous avons prévu drap de soie, pulls
et chaussettes.
Pas de chance, on
s'oriente vers l'option 2.
18:35, on cuit sur le bitume de la gare. Bon, on y va là?
18:40, on dégouline et on suffoque à l'intérieur du bus.
S'il fait encore 40 dehors, il fait bien 50 à l'intérieur. Une pauvre lucarne
sur le toit laisse péniblement entrer un peu d'air. La fenêtre du chauffeur
s'ouvre de 15cm tout au plus.
Quant au confort de
l'appareil, il me rappelle la machine infernale de Charly Chaplin. Entre
l'accoudoir qui ne tient pas fixé, le siège qui s'incline quand on s'appuie sur
le dossier et le strapontin avant qui se couche à chaque freinage, rien à dire,
c'est un bus flambant neuf!
Enfin la boîte de conserve quitte la ville... doucement...
Le bus doit péniblement atteindre une vitesse de pointe de 60km/h. Il donne
toute l'énergie qu'il lui reste pour doubler des camions chargés de charbon. A
l'approche d'une côte, le chauffeur passe la première et le bus s'essouffle à
monter le petit raidillon. A ce rythme-là, on n'est pas arrivées au
Kirghizstan. Et cette chaleur. Il n'y a pas d'air. Je commence à perdre mon sang
froid. 9:00 de bus dans ces conditions-là, je crois que je vais perdre
patience.
Nous voilà parties depuis une heure et demi tout au plus. Le
chauffeur active les warning, se gare sur le bas-côté. Il empoigne sa caisse à
outils et descend.
Ah c'est pas vrai??? Il nous fait le coup de la panne là???
Mais quelle idée de laisser rouler une poubelle pareille?
Le conducteur et son assistant ouvrent le coffre arrière, où
se trouve le moteur. Ils font des tests. L'un revient au volant et crie des
instructions au second, qui vérifie et répond. La nuit commence à tomber. On n’est
pas arrivées, je vous le dis!
On en profite pour sortir respirer un peu d'air
"frais", et discuter avec les passagers. Nous faisons la connaissance
de Marat. Il habite Shimkent et se rend à une conférence internationale à
Bishkek. Il est sourd et s'attache à communiquer avec nous avec des gestes et
des mots simples. Nous apprenons quelques mots de langue des signes. Il est
jovial et attentionné. Il a une bonne bouille.
C'est l'heure de repartir... pour s'arrêter vingt minutes
plus loin. C'est la pause " Dîner".
C'est pas possible? Vous pensez qu'on va arriver à Bishkek
avant demain matin???? Dîner, mais quelle idée... il s'écoule peut être une
demi heure.
J'invective le chauffeur. Bon, c'est bon là? On y retourne?
A priori le bus semble redémarrer. Sur la route, d'autres
bus, flambants neufs, nous narguent et nous doublent à pleine puissance
- "Maman,
pourquoi nous on a un vieux bus pour aller à Bishkek?" Demande une petite
fille à sa mère. Excellente question, on se la pose aussi!
Il fait nuit noire. Difficile de s'endormir tant c'est
inconfortable. A chaque zone de contrôle de police, le chauffeur rallume les
néons. Et les pauvres voyageurs sont simultanément réveillés.
Une heure trente du matin, approche de la frontière. Une
file interminable de camions de fret attend de passer les contrôles. Pour les
piétons tout va très vite.
Justine passe le
contrôle de sortie du Kazakhstan.
Le douanier : Visa?
Justine : Pas besoin
Le douanier : Visa?
Justine : Pas besoin,
je suis française
Un tampon, et hop,
bye bye Kazakhstan
Vient ensuite mon tour.
Le douanier : Visa?
Marine : Pas besoin, je suis française. Le ton est sûrement un
peu sec.
Le douanier : oui, bah ça va. Je demande, c'est tout!
N'empêche que ca a l'air bien compliqué dans sa petite tête
de douanier. Je ne sais si c'est à cause de l'heure avancée, mais les
connections se font mal...
Retour au Kirghizstan. Une petite virée "pause
pipi". On touche les tréfonds de l'horreur. On a déjà eu des endroits
puants et immondes, mais là c'est la dignité qui en prend un coup. Les
"trous" sont alignés les uns à la suite des autres, sans porte. Evidemment,
c'est l'heure d'affluence. Faut parfois savoir prendre sur soi et se dire que l'immersion
ca passe aussi par là... Par contre on ne traine pas hein^^.
On remonte dans le bus. Énième contorsion pour trouver le
sommeil. Assommée par la nuit et la chaleur, je finis par sombrer aussi.
Quatre heures du matin. Le chauffeur allume les lumières et
s'époumone "Bishkek! Bishkek !"
Les taxis sont déjà à
l'assaut des voyageurs groguis. Justine est dans les choux, je descends les
sacs et réveille mes neurones. Ramasser les souvenirs des tarifs, du coût de la
vie, du prix des courses précédentes. Se remémorer l'adresse de l'hôtel et
comment on y va. Remettre le cerveau en marche avec la devise locale, alors que
nous utilisons la monnaie Kazakhe depuis huit jours maintenant.
Le chauffeur de taxi nous demande l'adresse. Je lui demande
le prix de la course :
Lui : 200 soms
Moi : Ca va pas la tête? C'est juste a coté, 5 minutes en
voiture
Lui : mais non, c'est loin. C'est le prix normal
Il me tend son téléphone pour inscrire ma proposition
Moi : 100
Lui : 150
Moi : Mais l'ami, c'est à 5 minutes! Tu prends l'avenue et
au bout à droite. C'est trop cher là!
J'écris 120 sur son téléphone. Je crois qu'on le fait bien
rire avec ses collègues taxis. Il finit par acquiescer avec un grand sourire.
Allez, zou, à l'hôtel!
Après réflexion, on n'a jamais payé aussi peu cher pour
aller à la gare de Bishkek, même en plein jour.
Enfin, nous y sommes. Nos deux lits nous attendent dans le
dortoir de l'Interhouse Guesthouse. Notre dernière journée à Bishkek sera
chaude et tranquille. Au programme, shopping, ice cream et balades. Me voilà
chargée d'un tapis de yourte, qui rentre péniblement dans le sac à dos.
Ce soir, nous retrouvons Tohir, un Tadjik que j'avais
hébergé via Couchsurfing. Dernière soirée kirghize avant de reprendre l'avion.
Les sacs sont bouclés. Ca sent la fin de l'aventure...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire