jeudi 18 août 2016

[Chapitre 11] Mosaïque ethnique, dentelles toxiques

Nous avons posé nos sacs à Osh, dans la vallée du Ferghana. Deuxième ville du pays, aux frontières avec la Tadjikistan et l'Ouzbekistan.
La ville est tristement célèbre pour avoir fait l'objet de massacres inter ethniques en 1990 puis 2010. Depuis, la situation semble stabilisée, mais pour combien de temps?
 
Nous sentons que nous pénétrons dans un autre Kirghizistan. Le relief est différent, plus plat. Les populations sont sédentaires, les villes sont plus denses. Il y a des magasins, des parcs, les gens se promènent dans les rues. La ville d'Och est à l'image de ce qu'on appelle "ville" chez nous. Plus encore, le type ethnique des populations est plus bigarré. Et pour cause!
 
Lorsque Staline a dessiné les contours des provinces de l'URSS d'alors, il a pris le soin de tracer, volontairement, des frontières coupant au travers des territoires ethniques. Diviser pour mieux régner, et démontrer par les faits qu'un pouvoir fort et centralisé est le meilleur remède aux divergences de mode de vie. La dentelle des frontières est on ne peut plus toxique. Les frontières du Kirghizistan viennent traverser des territoires ouzbèkes et tadjiks, et réciproquement dans chaque pays voisin. Pire encore, il y a au sein même du Kirghizistan deux enclaves ouzbèkes et une enclave tadjik, situées sur les seules routes accessibles toute l'année. Les voies intra-nationales passent par des cols d'altitude fermés une partie de l'année. Et quand bien même ils sont ouverts, c'est au prix d'un trajet long et tortueux à travers la montagne. Pas surprenant que des tensions apparaissent régulièrement dans la région.
 
Le bazar d'Och est un savant mélange de ces différentes cultures. À lui seul, il respire la diversité. On y trouve de tout, et plus encore. Dans une atmosphère chamarrée, les marchands achètent et vendent tout ce qui peut l'être. Pour la première fois depuis le début du séjour, nous retrouvons l'atmosphère de l'Asie Centrale.
 
Ici nous distinguons clairement la mosaïque ethnique des populations. Les femmes ouzbèkes portent des robes longues et colorées, ainsi qu'un fichu dans les cheveux. Certaines sont voilées, une poignée arbore le Niqab. Les coiffes des hommes sont reconnaissables. Les kirghizes ont un haut chapeau brodé, appelé Kalpak. Les ouzbèkes et les tadjiks portent de petites calottes rondes.
Les modes de vie sont également différents. Les ouzbèkes sont de tradition sédentaire. Ils œuvrent à construire une maison pour chacun de leurs fils. Quant aux kirghizes, nomades, ils vivent en prévoyant la saison prochaine. Ici aujourd'hui, demain ailleurs. Pour cette raison, les villes sont mieux établies dans cette région.
N'oublions pas les populations russes, restées coincées dans ces frontières à la chute de l'Union Soviétique. Des femmes blondes, longilignes, et souvent habillées court et moderne.
 
Gageons qu'ensemble, ils continuent à contribuer pacifiquement à la richesse du pays. Pas si simple dans une région qui accumule les difficultés économiques...

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