- Gdié Nury???
(il est où Nury??)
- Nury ....
(Nury...)
- Chto????
Ya nié panemala!
(Quoi???? J'ai pas compris!)
- Nury, parti. A 7:30
Ah le rat!!! On avait pourtant réservé le trajet. Départ à
8:00 pour Och, à dix heures de route au sud de Bishkek
- ... Ya
tojé... na Och... Machina iest
(Moi aussi je vais à Och.... C'est ma
voiture juste là)
Derrière nous deux français attendent également qu'une
voiture soit pleine pour partir. Mieux que cela, ils attendent deux françaises
qui ont rendez-vous à huit heures. A priori c'est nous! Bon... de toute façon
faut qu'on parte. La voiture est une Mercedes qui a l'air en bon état. Les deux
autres passagers semblent sympas.
- Par contre dix heures de route en montagne avec un
chauffeur... borgne?! Ça craint non?
Parce que, oui, le chauffeur est borgne. Bon, d'accord, ça
dépend de quel côté est le ravin, mais à priori ca pose problème un versant sur
deux!
- Nury, nié kharacho. 8:00 sdiès!
(Nury, ça ne va pas du tout ça, pas sérieux. On avait dit
8:00 ici, et il se barre!)
Fais-je en le menaçant du doigt.
- Bilal?
Machina na gora? Kharacho?
(Bilal, votre voiture dans la montagne, ca va, ca tient la
route?)
- Germania. Otchen kharacho.
(Mais oui, t'inquiète, c'est une allemande! C'est très bien)
- Ah bah... Fsio Kharacho alors?!
(Ah bon, bah tout va bien alors ?)
- Da, Fsio Kharacho!
(Oui, tout va bien!)
Nous voilà donc en route. Je prends la place du copilote.
Pas tant pour le rôle à jouer que pour la stabilité du véhicule dans les
virages!
Bon, alors Bilal, comment dire? Conduire avec un oeil passe
encore, mais si en plus tu téléphones ça veut dire un seul oeil, une seule main
et une seule oreille.... ca fait plus grand chose là, tu ne crois pas?
Le type est sympa, on bavarde avec nos quelques mots de
russe. Suffisamment pour qu'il veuille me marier à son fils de 28 ans! Je
décline poliment la proposition.
Après une heure de route dans la plaine, la voiture attaque
les premiers versants de la montagne. Il va nous falloir passer un col à 3250
mètres. Là-haut, la température s'abaisse à 6 degrés. Les paysages sont à
couper le souffle. Des sommets entre
3800m et 4600 mètres nous surplombent.
La route est assez bonne et finalement pas si tortueuse que
nous le craignions, puisqu'elle exploite au maximum les vallées. Le
gouvernement s'efforce de désenclaver le sud du pays, longtemps soumis à des
désordres ethniques.
Nous traversons un tunnel de près de 2km. L'air est
irrespirable, il n'y a pas de ventilation. De pauvres ampoules éclairent
vainement l'ouvrage. Les véhicules se croisent à touche-touche. Pas vraiment
rassurant tout cela...
La voiture poursuit sa route. Nous sommes maintenant dans
une large vallée au bord de laquelle se pressent vendeurs de miel et de
boulettes de yaourt séché.
Nous abordons un nouveau massif. Nous traversons des gorges
escarpées, toisées par d'impressionnants sommets.
Les vallées se succèdent, ponctuées de cols plus ou moins
hauts. La route est magnifique. Nous arrivons au réservoir turquoise de
Toktogul et ses deux barrages hydroélectriques.
Nos compagnons de route sont sympathiques et le chauffeur
est prévenant. Un arrêt "Tualet" par ci, une pause photo par-là, un stop emplettes entre deux. Justine
rapporte du miel produit dans la vallée. De quoi agrémenter les petits
déjeuners parisiens à notre retour.
Au bout de 8h de route, nous quittons la montagne. Le pays
est recouvert à 94% de montagnes, et le relief moyen est de 3000 mètres. Nous
voilà dans la fertile vallée du Ferghana. Nous perdons définitivement de
l'altitude. Le thermomètre flirte avec les 32 degrés. L'air sec et brûlant
envahit la voiture.
Au prochain croisement, un panneau indique Och à gauche,
Andijan à droite. Nous voilà à la frontière ouzbèke. Les visages changent, les
tenues vestimentaires évoluent. Nous distinguons nettement les populations
ouzbèkes et kirghizes.
Bilal maintient le même rythme, somme toute assez lent,
depuis le départ de Bishkek. La route est large, les véhicules se croisent et
se doublent de façon anarchique. Quelques sueurs froides.
Euh... non, là ca passe pas! Bilal, faut se rabattre là!! Il
y a un camion ET une voiture en face là!!
Notre voiture serre à droite, entre un camion et une petite
Daewoo. Je suis à un poste d'observation formidable, assise au milieu et sans
ceinture. Au premier plan, dans toutes les circonstances! On change de place à
tour de rôle, chacun son tour...
Enfin nous entrons dans Och, après 11:30 de route. Nous ne
sommes pas mécontentes d'être arrivées!
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