jeudi 18 août 2016

[Chapitre 10] Fsio Kharacho?

- Gdié Nury???
 (il est où Nury??)
 - Nury ....
 (Nury...)
- Chto???? Ya nié panemala!
 (Quoi???? J'ai pas compris!)
 - Nury, parti. A 7:30
 
Ah le rat!!! On avait pourtant réservé le trajet. Départ à 8:00 pour Och, à dix heures de route au sud de Bishkek
 
- ... Ya tojé... na Och... Machina iest
 (Moi aussi je vais à Och.... C'est ma voiture juste là)
 
Derrière nous deux français attendent également qu'une voiture soit pleine pour partir. Mieux que cela, ils attendent deux françaises qui ont rendez-vous à huit heures. A priori c'est nous! Bon... de toute façon faut qu'on parte. La voiture est une Mercedes qui a l'air en bon état. Les deux autres passagers semblent sympas.
 
- Par contre dix heures de route en montagne avec un chauffeur... borgne?! Ça craint non?
 
Parce que, oui, le chauffeur est borgne. Bon, d'accord, ça dépend de quel côté est le ravin, mais à priori ca pose problème un versant sur deux!
 
- Nury, nié kharacho. 8:00 sdiès!
(Nury, ça ne va pas du tout ça, pas sérieux. On avait dit 8:00 ici, et il se barre!)
Fais-je en le menaçant du doigt.
 
- Bilal? Machina na gora? Kharacho?
(Bilal, votre voiture dans la montagne, ca va, ca tient la route?)
 
- Germania. Otchen kharacho.
(Mais oui, t'inquiète, c'est une allemande! C'est très bien)
 
- Ah bah... Fsio Kharacho alors?!
(Ah bon, bah tout va bien alors ?)
 
- Da, Fsio Kharacho!
(Oui, tout va bien!)
 
Nous voilà donc en route. Je prends la place du copilote. Pas tant pour le rôle à jouer que pour la stabilité du véhicule dans les virages!
 
Bon, alors Bilal, comment dire? Conduire avec un oeil passe encore, mais si en plus tu téléphones ça veut dire un seul oeil, une seule main et une seule oreille.... ca fait plus grand chose là, tu ne crois pas?
 
Le type est sympa, on bavarde avec nos quelques mots de russe. Suffisamment pour qu'il veuille me marier à son fils de 28 ans! Je décline poliment la proposition.
 
Après une heure de route dans la plaine, la voiture attaque les premiers versants de la montagne. Il va nous falloir passer un col à 3250 mètres. Là-haut, la température s'abaisse à 6 degrés. Les paysages sont à couper le souffle. Des sommets entre  3800m et 4600 mètres nous surplombent.
La route est assez bonne et finalement pas si tortueuse que nous le craignions, puisqu'elle exploite au maximum les vallées. Le gouvernement s'efforce de désenclaver le sud du pays, longtemps soumis à des désordres ethniques.
 
Nous traversons un tunnel de près de 2km. L'air est irrespirable, il n'y a pas de ventilation. De pauvres ampoules éclairent vainement l'ouvrage. Les véhicules se croisent à touche-touche. Pas vraiment rassurant tout cela...
 
La voiture poursuit sa route. Nous sommes maintenant dans une large vallée au bord de laquelle se pressent vendeurs de miel et de boulettes de yaourt séché.
Nous abordons un nouveau massif. Nous traversons des gorges escarpées, toisées par d'impressionnants sommets.
Les vallées se succèdent, ponctuées de cols plus ou moins hauts. La route est magnifique. Nous arrivons au réservoir turquoise de Toktogul et ses deux barrages hydroélectriques.
 
Nos compagnons de route sont sympathiques et le chauffeur est prévenant. Un arrêt "Tualet" par ci, une pause photo par-là,  un stop emplettes entre deux. Justine rapporte du miel produit dans la vallée. De quoi agrémenter les petits déjeuners parisiens à notre retour.
 
Au bout de 8h de route, nous quittons la montagne. Le pays est recouvert à 94% de montagnes, et le relief moyen est de 3000 mètres. Nous voilà dans la fertile vallée du Ferghana. Nous perdons définitivement de l'altitude. Le thermomètre flirte avec les 32 degrés. L'air sec et brûlant envahit la voiture.
 
Au prochain croisement, un panneau indique Och à gauche, Andijan à droite. Nous voilà à la frontière ouzbèke. Les visages changent, les tenues vestimentaires évoluent. Nous distinguons nettement les populations ouzbèkes et kirghizes.
 
Bilal maintient le même rythme, somme toute assez lent, depuis le départ de Bishkek. La route est large, les véhicules se croisent et se doublent de façon anarchique. Quelques sueurs froides.
Euh... non, là ca passe pas! Bilal, faut se rabattre là!! Il y a un camion ET une voiture en face là!!
Notre voiture serre à droite, entre un camion et une petite Daewoo. Je suis à un poste d'observation formidable, assise au milieu et sans ceinture. Au premier plan, dans toutes les circonstances! On change de place à tour de rôle, chacun son tour...
 
Enfin nous entrons dans Och, après 11:30 de route. Nous ne sommes pas mécontentes d'être arrivées!

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