jeudi 18 août 2016

[Chapitre 17] Une étape de plus sur les routes de la Soie

21:30, le train reliant Almaty à Aktobe se met en marche. Un train express, flambant neuf, de fabrication espagnole. Nous avons 12 heures de trajet jusqu'à Turkestan.
Nous allons parcourir en une nuit le parcours des caravanes des routes de la Soie, plus de 1000 ans auparavant.
 
Les compartiments de la classe "Luxe" sont idéalement optimisés. Aucune place perdue. Deux couchettes se superposent. Un petit escalier escamotable permet d'atteindre celle du dessus.
 À Almaty, Léna nous a aidés à réserver nos places. C'était les dernières et nous ne voyagerons pas à côté. Qu'importe. Nous voilà chacune dans notre compartiment. Le garçon responsable du wagon nous aide chacune à monter nos énormes sacs dans les niches a bagages du plafond.
 Attenant à chaque cabine se trouve une salle d'eau avec wc et douche. De quoi apprécier plus encore le confort du train!
 
La caravane ferrée s'est mise en route depuis un moment déjà. Mon camarade de chambrée dort sur ses deux oreilles. Le ronronnement du train, le ballottement du wagon, le ronflement de la clim, bercent la voyageuse rêveuse. Parmi les voyageurs, certains traverseront le pays en près de 50 heures...
 
Je me perds dans mes songes. Quand j'ouvre l'œil, mon voisin est déjà descendu. Le soleil poinds doucement à l'horizon. Il irradie le pâle relief qui se dessine. Puis le jour se lève, de cette lumière blanche et douce qui ne brûle pas encore. Par la fenêtre du train, le néant. La platitude infinie des steppes de la faim. Un relief balayé par les vents glacés l'hiver, brulé par le soleil et l'air chaud l'été.
 
9:30, arrivée à Turkestan.
Nous allons donc les croiser à nouveau, ces routes de la Soie. Elles se sont faites discrètes durant ce voyage. Enfin, les voilà, nous les touchons du bout des doigts.
 
Le mausolée de Kodja Akhmed Asavy est imposant et délicat à la fois. Commandé par Tamerlan, alors maître de l'Asie Centrale, il ne sera jamais achevé. A la mort de son commanditaire en 1405, le monument tombe dans l'oubli et traverse les siècles sans transformation. Et pourtant, quelle grandeur! Les maîtres constructeurs perses expérimentèrent a Turkestan de nouvelles solutions architecturales et structurelles, utilisées ensuite pour la construction de la belle Samarcande, en Ouzbekistan. Le bâtiment est surmonté d'un immense dôme, l'un des plus grands d'Asie Centrale. Les céramiques turquoise et bleues stylisent arabesques et versets du coran, dans le but de vulgariser l'islam conquérant en cette fin de 14ème siècle.
 
Nous déambulons plusieurs heures autour du bâtiment, avant de prendre la route de Shimkent.
 Alors effectivement, Turkestan n'a pas le charme de Boukhara ni la magnificence d'Isfahan. Les routes de la Soie sont discrètes, parfois timides. Mais elles sont là, à portée de main. Elles sont dans les récits des voyageurs, de Marco Polo à Ella Maillard. Elles sont dans les travaux des archéologues, et en partie sous nos yeux.
 
La vallée du Syr Daria, marque l'extrémité nord des conquêtes d'Alexandre le Grand. Elle constitue un bassin fertile et prospère pour les civilisations qui y élirent domicile. Nous la parcourons en partie, jusqu'à atteindre la brûlante Shimkent. Le thermomètre flirte dangereusement avec les 40 degrés, l'air est brûlant et pique les yeux. Nous croisons quelques chameaux de Bactriane, broutant les steppes. ils viennent apporter la dernière touche au portrait des routes de la Soie.
 
Nous nous refugions dans un hôtel luxueux et climatisé pour une douche fraîche et revigorante.
 
Jeudi matin, nous partons à l'assaut de Sayran, cité mineure des routes de la Soie qui a su préserver quelques mausolées intéressants et un minaret rondouillard.
Le temps d'explorer la ville sous un soleil de plomb, voilà déjà l'heure de regagner Bishkek.
 
Il nous reste huit heures de bus de nuit, et un nouveau passage frontière. Une dernière expédition sur les routes d'Asie Centrale. Voilà déjà presque la fin du voyage...

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