mercredi 22 mars 2017

[Chpitre 1] Hong Kong, errances urbaines

Portrait chinois.

Si j'étais un animal, je serais un écureuil. Il faut son agilité pour se hisser à travers les buildings. Vertige la tête en l'air, dominée par ces tours à la hauteur infinie. Regard en contrebas. Vertige encore, devant ces axes bétonnés qui s'entremêlent dans un entrechat encombré de ponts suspendus, passerelles aériennes et escalators de tous les superlatifs. C'est ainsi que je grimpe sur les sommets de la tentaculaire Hong Kong à travers l'escalier mécanique le plus longtemps  du monde. 800 mètres de long, pour me hisser à flanc de coline. Tiens, d'ailleurs, il ne fait que monter. Dans l'autre sens, il faut s'aventurer à travers les méandres des escaliers de béton. Me voilà dans le quartier des affaires. Les banques succèdent aux banques, les établissements financiers s'y font une place. À l'heure de déjeuner, tailleurs et costumes cintrés s'amassent devant les restaurants. La fourmilière grouille. Les enseignes aux idéogrammes de toutes les couleurs s'entrecroisent avec des noms en anglais, dominent la mêlée de piétons, taxis, businessmen, bus et autres vendeurs ambulants, masquant le mauvais état général des immeubles.

Si j'étais un objet, je serai un sac. Une belle marque à l'occidentale, bien chère, qu'on exhibe fièrement. Je suis ce que je possède. Alors si je n'ai pas les moyens d'avoir, je fais comme si... À défaut d'un sac Vuitton, je porte fièrement l'emballage en carton sur mon épaule droite. Pour donner le change. Dans ce ballet sans fin de la société de consommation, il y a aussi les vrais riches. Ceux dont la fortune file le tournis. Il faut dire que pour habiter sur l'île, ce n'est pas un sac à main qu'il faut, c'est une armée de billets de banque! Sur la côte, les villas de luxe s'arrachent à plusieurs dizaines de milliers d'euros de loyer mensuel. A ce prix là, quand meme, la vue est sympa!

Si j'etais une couleur, je serais le vert. Paradoxalement, l'ile est verte à perte de vue. Depuis le Peak Victoria, la vue sur la baie est à couper le souffle. Les gratte-ciel s'articulent comme des cure-dents. Ils se toisent de haut, se font de l'ombre. Dans ce micro-environnement resseré, les espaces verts se font rares. Puis quand on tourne le dos à la City, le regard se porte sur l'autre versant de l'ile, couvert de forêts. Un camaïeu de verts, autant d'essences végétales qui se disputent les flancs de montagne. Les îles avoisinantes sont couvertes de la même toison. Les 130 000 habitants au km2 du quartier de Monkok semblent un mirage. Et pourtant! 

Si j'étais un ingrédient, je serai un de ces trucs étranges de la pharmacopée traditionnelle. Aileron de requin, champignon aux vertues aphrodisiaques ou corne de rhinocéros. Les petites échoppes rivalisent de produits naturels emprunts de superstition. En un instant, on se trouve prejeté en Chine, enfin. Parce que Hong Kong, on a beau dire, ce n'est quand même plus anglais, sans être vraiment chinois non plus. Quoi que... Ils sont nombreux, les bougres!

Si j'étais un élément, je serai l'eau. Parce que mon statut insulaire m'a permis de devenir un comptoir colonial d'envergure. Au fil des années, j'ai pris de l'ampleur. J'ai attiré les marchands du monde entier en cette fin de 19eme siècle florissant. C'est par la force des armes que l'Empire britannique s'impose sur ce caillou tropical  dépeuplé. Les anglais, pris dans une spirale commerciale déficitaire, bousculent l'ordre établi en introduisant l'opium comme monnaie d'échange avec les marchands chinois. Les recettes de l'opium de contrebande rapportent à la grande Bretagne de quoi constituer son armée. Cette dernière est suréquipée face aux troupes chinoises mal équipées. Deux guerres de l'opium ont raison de la domination chinoise. Voilà Hong Kong britannique et fière de l'etre. La voie est ouverte et le vieux caillou devient un haut lieu de l'activité humaine. Nous sommes au milieu du XIXeme siècle. Un siècle plus tard, la cité-État devient la seconde place financière au monde. 

Si j'étais un sens, je serai l'ouïe. Pas un instant sans qu'elle ne soit sollicitée. Tout tintamarre dans cet espace surpeuplé. Les klaxons, les vendeurs criards, les radios hurlantes, les badauds bavards, les sonneries stridentes des téléphones portables . Seules les voitures électriques viennent semer un troublant silence dans ce chaos ambiant.

Hong Kong. Je suis tout cela et bien plus à la fois. Troublante, enivrante, trepignante. À cheval entre deux mondes, l'Orient et l'Occident, j'ai aussi un pieds dans un riche passé et l'autre vers un futur ambigu. Resterais-je accroché à la cité coloniale d'antan, ou serais-je absorbée par la Grande Chine? 
Je me cherche dans cet écrin de complexité, laissant au visiteur rêver devant tant de contradictions.

Bien à toi, lecteur.

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