mercredi 22 mars 2017

[Chapitre 3] Shanghai, Hyper-méga-super-latif

Rien. Tout. Plus. Trop.
Par quoi commencer? 

D'abord la ville. J'ai pris mes quartier chez Michael et Émilie. Depuis les bancs de Dauphine, il a mis le cap sur le Jura Suisse, au pays des horlogers. Avec sa moitié, ils poursuivent l'aventure ici, en Asie, où l'enseigne à la Panthère incarne le luxe à la Française. Portrait d'une échappée prestigieuse sans être tappageuse. 
Nous voilà dans l'ancienne "concession française", qui a laissé son nom au quartier. Petites maisons basses à pans coupés, avenues bordées de platanes, boutiques chiques et branchées. Direction le musée de la propagande politique, une galerie privée d'un collectionneur qui a regroupé cinquante ans d'affiches à la gloire du parti unique. Marteau, faucille, slogans rouges et figures gaies d'un peuple heureux. Le tout bordé d'infinies prétention afin de mettre en avant la valeur artistique inestimable de ce trésor dépolitise... Ben voyons!

Je pars à l'attaque de la mégalopole. Étonnamment, elle paraît sage et bien rangée. Il faut dire qu'il y a à peine vingt ans, Shanghai était une ville, comme des milliers d'autres. Sous l'impulsion d'un maire visionnaire, elle a changé de visage. En 2012, elle accueille l'exposition universelle et fait peau neuve.  Le Bond, grande promenade aménagée le long du fleuve, donne le ton. Sur la gauche, les anciens bâtiments coloniaux, vestige du temps glorieux des concessions étrangères, lorsque Shanghai était un dynamique comptoir commercial. De superbes banques Art Déco, tout droit sorties des années 30, les sièges originels de banques influentes comme la Honk Kong-Shanghai-Bank Corporation (HSBC). Sur la droite, Shanghai se tourne vers l'avenir. Le quartier neuf de Pudong est effronté. Il tient tête aux superlatifs. La Shanghai Tour est la seconde plus haute du monde, son ascenseur détient le record de vitesse. La tour de télé est à troisième plus haute. À dix-huit heures, les tours s'éclairent, avec plus ou moins de bon goût. Question de point de vue.
Pour clôturer ma virée dans l'Empire du Milieu, rien de mieux qu'un verre au 97eme étage, dans le bar de l'hôtel Hayatt. Double plaisir : le confort des fauteuils douillets de cet établissement de prestige, et la vue époustouflante sur la forêt de grattes ciels.

Paradoxalement, l'ensemble ne paraît pas démesuré. La politique d'urbanisme a permis d'accorder les axes de communication, les quartiers et les centres urbains. Ainsi chaque district est auto-suffisant, comme une "ville dans la ville". 23 millions d'habitants, dix fois plus que Paris et la petite couronne réunis... 

Il reste encore quelques vieux quartiers, vestiges de la Shanghai d'antan. Il s'agit de petites maisons basses, dans des rues etroites. Derniers bastions de l'autre Chine, sans égouts ni toilettes. Leur sort est entre les mains de promoteurs immobiliers, qui joueront bientôt du rouleau compresseur pour faire place à des grattes ciels impersonnels mais hygiéniques. 
Je fais la connaissance de deux cousins à la sortie du métro. Elle travaille chez Booking.com dans l'ouest de la Chine, lui est agent immobilier. Nous engageons la conversation, avec sourire et bonne humeur. Ils rendent visite à un cousin pour quelques jours. Je me joints à eux pour une dégustation de thés. Avec le même cérémonial qu'une dégustation de vin chez nous, je découvre le caractère quasi sacré qui entoure le breuvage. D'abord choisir un chiffre, associé à un voeux. Poir nous ce sera le "6" pour du bonheur et de la réussite. Ainsi allons nous goûter 6 thés, aux vertues curatives : Oulong, Litchee, camomille... Pour chacun, un service adapté et une température spécifique. Lucky Bouddha nous accompagne. Il faut caresser son gros ventre pour porter chance. La jeune femme prend une attention particulière pour me traduire chaque étape. Au moment du 6eme thé, la "maître du thé" nous propose un thé d'une grande rareté (à 20€ la tasse, tout de même). Je passe mon tour. Je viens de comprendre que chaque petite tasse coûte à elle seule 7€, l'addition s'annonce salée. Problème, si on ne prend pas le dernier thé, nous serons à 5 et donc n'atteindrons pas le bonheur et la réussite. Superstition quand tu nous tiens... On se rabat sur un autre thé, bien moins cher. Visiblement le coeur du sujet m'échappe encore un peu! 
Je m'attaque ensuite à la "vieille ville" rénovée. Autrement dit, une belle vitrine de la Chine des cartes postales, construite de toute pièce dans les années 1990. Elle abrite tout un tas de boutiques et d'attrapes touristes. À un feu rouge, je fais la connaissance d'un monsieur à l'anglais impeccables. Il doit avoir 70 ans passés. On fait un bout de chemin ensemble. On parle de tout : nouvel an chinois, stagnation économique en Chine, dynamisme de Shanghai, politique étrangère, Hollande, le Pen, sortie possible de la zone Euro et ses conséquences. Je lui parle de mon boulot, lui du sien. Il est producteur de perles et bijoutier. On arrive aux pieds de ses locaux. Il me propose de monter et de m'expliquer comment ça marche. "OK, mais je n'achète rien!". Au premier étage, une belle boutique et 4 vendeuses. J'ai le droit à une explication en anglais sur les perles de cultures. Savez vous que les perles de rivières sont produites en introduisant des morceaux de viande dans les huîtres? Jusqu'à 100 pour un maximum de 20 perles? Que ce sont les nutriments qui donnent les couleurs de perle? Raison pour laquelle les perles de couleurs sont plus chères, car plus rares... Après des négociations serrées avec le patron lui meme, je repars avec une paire de boucles d'oreilles et le souvenir d'une belle rencontre.

Je finis la matinée autour d'une poignée de dumplings, des raviolis chinois, dans le plus vieux resto de la ville, toujours sur les recommandations de mon papi business man. Ce jour il n'y a pas grand monde, seulement 20 minutes de queue!

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