jeudi 18 août 2016

[Bonus] Quelques croquis à la volée

L'aventure a pris fin, les sacs à dos sont rangés. Pourtant, dans le long trajet qui nous ramenait en France, des anecdotes sont revenues. Des instantanés, des croquis pris à la volée, que nous n'avions pas partagé.
En guise de chapitre « Bonus », voici quelques dernières images venues d'Ailleurs.
 
 
 
 
Vision lunaire.
 
Nous sommes assises le dos appuyé sur la yourte, dans les seuls centimètres d'ombre que le pâturage saurait offrir. La journée a été longue, nous sommes assommées par les cinq heures de marche en plein soleil. Un cavalier, sorti de nulle part, se dresse devant nous. Sa peau plissée, ridée, burinée par le soleil, trahit les saisons qui se sont écoulées. Il a les yeux en amande et les pommettes hautes. Le vieil homme porte de hautes bottes de cuir et une veste un peu large. Sur sa tête, il arbore fièrement le chapeau en feutre brodé.
 
- Ad kouda?
(vous venez d'où?)
 
- Francia
(De France)
 
- Bonaparte Napoléon!
Sans attendre de réponse de notre part, il reprend les rênes de son cheval et s'élance vers l'est. Serait-ce une vision?
 
Tâter du cuisseau
Au bord du lac Song Kol, à trois mille mètres d'altitude. Le doyen du camp de yourtes est un vieux monsieur en costume rayé bleu marine, complété du chapeau traditionnel. Drôle d'accoutrement pour une vie dans les alpages. L'homme aurait 68 ans, à moins que nous n'ayons pas bien compris les chiffres russes. Pas impossible.
Il engage la conversation. Il est drôle, avec sa curiosité sans borne. Tout l'intrigue : mon téléphone, les Ray Ban de Justine qu'il s'empresse d'essayer. Le contraste entre les montures roses, le costume et les yourtes est décapant. Il s'adresse à Justine :
Lui : Vous êtes mariée?
Justine : Presque
Lui : ah, c'est bien
 
Et sans autre explication, voilà qu'il attrape le mollet de Justine, pour lui tâter le cuisseau! Est-elle bonne à marier? Combien de chevaux pour la dote?
 
Nous n'en saurons pas plus.
Grands éclats de rire une fois le vieillard parti.
 
C'est quelle vertèbre à ton avis?
Notre second camp de yourte est plein de jeunes enfants. La maman nous les présente. Elle en a trois, de six mois à sept ans. Il y a aussi ses neveux et nièces, qui partagent le pâturage avec la famille.
 
La plus grande des filles nous inonde de prospectus sur le tourisme communautaire et l'histoire du Kirghizstan. Elle apporte ensuit un grand sac en plastique dans lequel se trouvent... des vertèbres de mouton.
Ah... Euh... Effectivement, on jouait aux osselets quand nous étions petits. Mais ils étaient en plastique. Là, visiblement, ce sont des vrais. Rien de plus normal, à la réflexion!
Les règles du jeu ont l'air simples. Il s'agit de faire une pichenette sur les os pour les faire s'entrechoquer. Cependant, il faut toquer deux vertèbres identiques. Pour ma part, impossible de les reconnaitre. De plus, elles sont collantes et poisseuses. Je fais surement un peu ma mauvaise tête, tant le contact avec les os me dégoûte. Je perds trois parties et cède le tour à Justine. Solidarité!
 
Dératisation
Kazakhstan. Nous sommes parties aux aurores pour faire la route aux heures les plus douces. Avec Niels et Léna, ainsi que  sa sœur Nadja et son copain Dima, nous prenons la route pour le canyon de Charyn.
 
9h20, nous arrivons à la guérite de l'entrée.
Le chauffeur descend pour saluer les gardes. Soudain de la fumée sort du volant. De la fumée?? Ca sent le brûlé là! Le chauffeur revient, ouvre le cache qui entoure le socle du volant. Il fait trop chaud, les câbles ont fondu.
 
Justine, à demi-mot : Ca promet! Faudrait pas que le van complet fonde, on a un train à prendre ce soir!
 
Le chauffeur n'est pas inquiet, alors, "normal na" comme on dit par ici.
Par contre les palabres avec les gardes sont plus longs qu'attendus.
 
Léna: Fermé? Comment ça s'est fermé?
Le gardien : Nous procédons à des mesures sanitaires
Léna : De quoi s'agit-il?
Le gardien : C'est pour la dératisation du canyon, pendant deux jours
Léna : Aujourd'hui? Mais on a appelé hier, rien n'était prévu
Le gardien : Le canyon ferme à 10:00. Vous avez 40 minutes pour visiter.
 
Regards médusés des voyageurs que nous sommes. 40 minutes? 2400 secondes?? Alors que nous avions prévu d'y passer ... 4 heures??
 
Niels : Ah non, c'est pas possible! On n'a pas fait 4 heures de route pour une balade de 40 minutes dans le canyon???
A priori si...
 
Nous descendons donc en voiture dans la gorge. Il y a plein de petites bêtes poilues, qui ressemblent à des gerbies. Sont-elles porteuses de peste? De choléra?
A l'entrée de la piste qui mène au canyon, nous verrons d'autres véhicules stationnés. Ils sont arrivés après 10h et n'auront pas même l'espoir de pénétrer dans la réserve.
 
Les militaires à l'entrée nous expliqueront qu'il s'agit d'une mesure annuelle, décidée après les dernières pluies. Elle vise à éviter les épidémies et la propagation des virus à travers la steppe.
 
Nous chauffeur est une perle. Il saura dans l'instant proposer un autre circuit. A ses côtés, nous passerons treize heures dans les reliefs du sud est du Kazakhstan.
 
Vous reprendrez un peu de protéines?
Dernier dîner à Bishkek, où nous retrouvons Tohir. Il est tadjik, a fait ses études à l'Université Américaine de Bishkek. Nous avons fait sa connaissance à Paris, au cours de notre première expérience réciproque de CouchSurfing. Il était alors en stage à La Haye, aux Pays Bas.
 
Nous le retrouvons en Asie Centrale. Depuis, il a appris le français, qu'il parle presque sans faux pas. Il a décroché un poste en or pour une ONG Allemande qui œuvre sur des problématiques de développement économique dans la région. C'est avec grand plaisir que nous nous retrouvons pour dîner, dans l'un des seuls restaurants de la ville qui sert des plats végétariens.
 
Les limonades sont services depuis un moment déjà. Voici les plats. J'ai opté pour des spaghettis au pestos d'épinards et pignons de pain. Un petit goût d'Italie en kirghizie!
La sauce est parfaite. J'approche ma première bouchée. Je regarde, satisfaite, le contenu de mon assiette.
... Attends, ça bouge là dedans non?
Euh... Au milieu des pignons... Là... Ah c'est pas vrai?? Un asticot aussi gros et gras que les pignons! Il aurait pu resté à couvert s'il n'avait pas tant gesticulé. Le fourbe!
Beurk...
 
Je suis prise d'un fou rire, qui embarque instantanément mes deux comparses.
Tohir rappelle la serveuse, pour lui signifier la présence de protéines dans le plat végétarien! Elle rapporte l'assiette en cuisine, revient cinq minutes plus tard.
Elle nous explique que c'est à cause des pignons. Puis me demande si je veux commander la même chose.
Je réponds par l'affirmative... mais sans les pignons!
 
Instantanés - pris sur le vif
   - Au bord de la route, des camions entiers chargés de melons et de pastèques. Devant leur véhicule, des balances électroniques pour la pesée de la marchandise. Ils sont parfois mis en valeur, sur le bas-côté, lustrés et brillants.
 
   - En ville, des femmes vendent des cigarettes à l'unité et proposent pour une somme modique, de monter sur un pèse personne. Alors que chez nous se peser est assez pudique, ici les gens le font en pleine rue. A croire que la balance n'a pas fait son entrée dans les maisons
 
   - Partout, tout le temps. Les hommes sont accroupis, les pieds à plat sur le sol. Ils semblent posés sur leurs mollets. Il faut être né en Asie Centrale pour réussir à tenir cette position.
 
   - A Kochkor, nous cherchons à nous restaurer rapidement avant de reprendre la route. Nous poussons la porte d'une cantine grouillante. C'est visiblement le point de ralliement des militaires. Il y a aussi quelques familles. Les tables sont recouvertes de toiles cirées fleuries. Sur chacune, il y a une bouteille en plastique avec une sorte de vinaigre blanc et des légumes qui y marinent. La cuisine bat son plein. Les marmites géantes sont pleines de Langman et de plov. Il y a aussi des Mantis, ces gros raviolis fourrés à la viande et au gras. Le balais des assiettes est aussi vif que le débit des convives.
Montant de l'addition pour nous deux : 1,20€. Imbattable!
 
   - A la sortie du  bazar de Och, nous cherchons un coin de verdure pour pique niquer. Nous bifurquons le long de la rivière. Quelle surprise! Nous pénétrons dans une vaste fête foraine, pleine de bruits d'enfants. Les attractions sont colorées. Ici une grosse chenille orange, là des tirs de fléchettes. Une petite gamine passe devant nous dans une voiture télécommandée par son grand frère. Partout, des vendeurs de glace et de boissons. Les adultes ne sont pas en reste. Vision chimérique d'un paradis caché.
 
   - L'alcool fait des ravages, nous faisons de tristes rencontres. Dans la marchroutka qui nous conduit d'Issy Koul à Bishkek, un homme complètement imbibé à 7h du matin vient traîner sa loque dans le minibus. Le bougre tient à peine debout. Il empeste l'alcool. Le véhicule est presque plein, des femmes montent à bord. Bien sûr, personne ne souhaite s'en faire un voisin. Un gaillard se dévoue, cède sa place à une dame. Dans le fond du bus, il attrape l'épave par le col et le redresse sans mot dire. Il calle ses larges épaules dans le siège, ne laissant plus d'espace à l'alcoolique pour étaler sa misère. Il descendra deux heures plus tard, il tient à peine debout. Je revois également cette femme, assise sur un trottoir à Bishkek, un ours en peluche à ses pieds. Au-delà de l'alcool, c'est surement l'héroïne qui a fait des ravages. Les routes de la Soie masquent une autre réalité, c'est des routes de l'opium. Cultivées en Afghanistan voisin, les drogues traversent les frontières sans passeport.
 
    - Un moelleux incomparable, une texture douce et un léger goût de levure. Impossible de clôre ce carnet de route sans parler une nouvelle fois du pain Kirghize. Nous en avons mangé sans compter, tartiné de confiture d'abricots et trempé dans un thé noir brûlant. Il y a aussi ce cake à la crème de lait de jument, préparé au petit déjeuner du dernier jour de notre expédition dans les alpages. Il me rappelle les après-midi avec mes cousines chez Madame Prieure. Tante Claudette, toi qui me lis, sache que tu as des consœurs en Asie Centrale qui partagent ta recette (au détail près de la provenance du lait!)
 
Il y aurait surement beaucoup d'autres choses à raconter, des petits détails sortis de nulle part, ces choses du quotidien qui n'interpellent que ceux qui ne les connaissent pas.
Voyager, c'est ouvrir les yeux sur l'inconnu et sur ce qu'on imagine connaître. C'est s'interroger sur tout et ouvrir sa curiosité au plus élémentaire. Nous espérons vous avoir fait partager un petit peu de tout cela au travers ces récits de voyage.
 
Bon été à tous!

[Chapitre 21] Pour ceux qui voudraient tenter l'aventure…

Vous avez peut-être pensé que c'était une drôle d'idée d'aller se perdre pendant trois semaines au fin fond de l'Asie Centrale. Que seules deux barjotes ayant vécu au Turkménistan pourraient avoir une pareille idée.
 
Vu le nombre de touristes, essentiellement français, que nous avons croisés, on n'est sûrement pas les seules frapa-dingues à y avoir songé!
 
Pour qu'elles raisons aller au Kirghizstan ?
- pour randonner dans des paysages somptueux, aller chatouiller des sommets à 7000m ou chevaucher dans les steppes. Parce qu'il y a des aventures à tous les niveaux, des débutants aux plus chevronnés. Et que quel que soit le parcours, vous en prendrez plein les yeux
 
- pour l'immersion dans le mode de vie nomade. Allez passer quelques jours auprès des bergers dans le jaloos (alpages), goûter du lait de jument fermenté et boire des rasades de thé brûlant dans lequel on rajoute de la confiture d'abricots
 
- pour la qualité du réseau de tourisme communautaire mis en place, qui assure une rétribution des populations locales. 85% du tarif des excursions est reversé aux locaux qui y participent. Rien que pour cela, encourageons en participants à ces actions eco-responsables
 
- pour la découverte d'une région fascinante, loin des clichés et des inconnues de la géopolitique internationale. Une région préservée du tourisme de masse, mais qui reste accessible et simple, même sans parler russe (même si, avouons-le, ca aide!)
 
- pour le coût de la vie. A moins de trente euros par jour et par personne, sans se priver, transports et souvenirs inclus, on aura du mal à faire mieux...
 
Pour qu'elles raisons ne pas y aller?
- Si vous êtes attachés à la qualité des infrastructures, que la douche quotidienne est un pré-requis et que les toilettes tels qu'on les connait sont un incontournable!
 
- Si vous rêvez des routes de la Soie et des superbes vestiges architecturaux, mettez le cap sur l'Ouzbekistan ou l'Iran. Mais si un mixte culture et aventure vous inspire, pourquoi ne pas faire coup double? Une semaine de rando au Kirghizstan puis 10-15 jours en Ouzbekistan par exemple.
 
Ainsi s'achève ce carnet de voyage.
Nous espérons vous avoir ouvert une fenêtre sur l'Asie Centrale, le temps de quelques chapitres à la volée.
 
Au plaisir de vous retrouver pour d'autres aventures, dans un nouvel Ailleurs.
 
******
 
Annonce : recherche aventurier / aventurière pour une ultime expédition sur les routes de la Soie.
Direction : Tadjikistan et Chine
Quand : entre mi juin et mi septembre, année à définir ensemble!
Dans les grandes lignes : sillonner la Pamir Highway, la route asphaltée la plus haute du monde. Surplomber l'Afghanistan voisin, explorer des villages reculés pour comprendre le mode de vie local, assister à un jeu de Boutzaki (sorte de polo avec une carcasse de chèvre). Passer la frontière chinoise en camion-stop puis atteindre la mythique Kashgar. Et bien plus encore...

[Chapitre 20] Escapade gourmande?

Clôturer ce carnet de voyage sans aborder le chapitre de la gastronomie aurait été une faute impardonnable.
 
Voilà donc, en quelques mots, un petit panorama de la gastronomie locale.
Alors d'abord, ici on mange de la viande avec de la viande, et si possible bien gras. Déjà, ça démarre mal pour la petite Justine qui devra s'armer de beaucoup de patience pour commander des plats végétariens.
 
Au Panthéon de la gastronomie locale, on trouve :
 
- l'incontournable "plov" : plat régional par excellence, il s'agit d'une sorte de riz pilaf aux carottes*, parfumé d'un cocktail d'épices propre à chaque cuisinière. On y trouve éventuellement des raisins secs, des morceaux de mouton ou de cheval... C'est horriblement gras, mais rien à dire : c'est bon!
Et dans les alpages, une version "pommes de terres + pâtes". Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça tient au corps!
 
- les mantis : sortes de gros raviolis à la viande, souvent au mouton. Trop gras et bien lourds, difficiles d'en trouver de bons
 
- les samsas, des chaussons fourrés a la viande, parfois au fromage ou à la citrouille
 
- les chachliks, des brochettes de viandes. Plus il y a de gras et plus l'hôte est choyé. Bon... si vous pouviez nous traiter avec dédain on préférerait! Au Kirghizstan, on trouve énormément de plats à base de cheval, en plus de l'habituel mouton.
 
- le langman, un plat de pâtes épicées a la viande dans une sorte de soupe. C'est vraiment très très bon.
 
- des tomates et des concombres, succulents. Impossible de s'en lasser!
 
- l'anshlam fou, une soupe froide légèrement vinaigrée, avec des pâtes et de ma gelée. Franchement pas dingue, mais ca dépanne. Et c'est sans viande, alors on en profite!
 
- le Koumys, du lait de jument fermenté. Déconseillé aux estomacs fragiles
 
- des boulettes de yaourt séchées pour faire de petits en-cas... fruités! Autant dire qu'on ne va pas draguer après ça!
 
- des graines, grignotées partout et tout le temps
 
- du thé, en signe d'hospitalité et au cours des repas. Sucré grâce à la confiture qui attend les gourmands sur la table, que ce soit dans les maisons ou dans les yourtes
 
Quant à commander des plats végétariens, rien ne vous garanti que vous n'y trouverez pas un morceau de viande (ou plus!). Et quand on veut renvoyer le plat en cuisine, la serveuse annonce "ah mais aujourd'hui on n'a pas les légumes seuls, il y a de la viande". Végétarien vous avez dit?
 
On pourrait vous parler également des melons et pastèques, gigantesques et parfumés. Des camions entiers attendent les gourmands au bord de la route. Il y a aussi les pêches et les abricots, les noix de la vallée du Ferghana, le raisin... des fruits délicieux, gorgés de sucre et de soleil.
 
En conclusion, il n'y a pas à dire : on ne mange quand même pas super bien en Asie Centrale. C'est gras, c'est lourd et ce n'est pas très varié... Heureusement qu'il y a les tomates pour compenser!

[Chapitre 19] Bon, on y va là???

Notre expédition kazakhe prend fin. Il est temps de regagner Bishkek, d'où nous prendrons l'avion pour Paris.
 Nous avons des billets pour un bus de nuit, de Shimkent à Bishkek. Départ 18:30, arrivée 3:30 du matin, Inch Allah.
 
Il est dix-huit heures et le thermomètre du taxi affiche encore 40 degrés. L'air est sec, brûlant. Il pique les yeux, assomme les organismes peu habitués à de pareils climats (surtout ceux qui crapahutent quand même en plein soleil, parce qu'on ne vit qu'une fois et que les vacances sont trop courtes!).
 
La gare routière est une fournaise. Nous achetons de l'eau avec les quelques derniers tengués qu'il nous reste. Nous avions vu un peu court dans le retrait au distributeur alors on tire sur les bouts de chandelles. Il nous reste de quoi acheter de l'eau, du pain et payer la pause pipi. En fait, on est large quoi!
 
Le bus... Que dire? Huit heures de trajet nous attendent dans une vieille boîte de conserve... Premier constat, première analyse de l'extérieur : les vitres ne s'ouvrent pas. Alors soit il y a la clim et on va mourir congelées, soit elle ne fonctionne pas et on va mourir étouffées. On a envisagé, naïvement, la première solution. Nous avons prévu drap de soie, pulls et chaussettes.
 Pas de chance, on s'oriente vers l'option 2.
 
18:35, on cuit sur le bitume de la gare. Bon, on y va là?
 
18:40, on dégouline et on suffoque à l'intérieur du bus. S'il fait encore 40 dehors, il fait bien 50 à l'intérieur. Une pauvre lucarne sur le toit laisse péniblement entrer un peu d'air. La fenêtre du chauffeur s'ouvre de 15cm tout au plus.
 Quant au confort de l'appareil, il me rappelle la machine infernale de Charly Chaplin. Entre l'accoudoir qui ne tient pas fixé, le siège qui s'incline quand on s'appuie sur le dossier et le strapontin avant qui se couche à chaque freinage, rien à dire, c'est un bus flambant neuf!
 
Enfin la boîte de conserve quitte la ville... doucement... Le bus doit péniblement atteindre une vitesse de pointe de 60km/h. Il donne toute l'énergie qu'il lui reste pour doubler des camions chargés de charbon. A l'approche d'une côte, le chauffeur passe la première et le bus s'essouffle à monter le petit raidillon. A ce rythme-là, on n'est pas arrivées au Kirghizstan. Et cette chaleur. Il n'y a pas d'air. Je commence à perdre mon sang froid. 9:00 de bus dans ces conditions-là, je crois que je vais perdre patience.
 
Nous voilà parties depuis une heure et demi tout au plus. Le chauffeur active les warning, se gare sur le bas-côté. Il empoigne sa caisse à outils et descend.
Ah c'est pas vrai??? Il nous fait le coup de la panne là??? Mais quelle idée de laisser rouler une poubelle pareille?
Le conducteur et son assistant ouvrent le coffre arrière, où se trouve le moteur. Ils font des tests. L'un revient au volant et crie des instructions au second, qui vérifie et répond. La nuit commence à tomber. On n’est pas arrivées, je vous le dis!
On en profite pour sortir respirer un peu d'air "frais", et discuter avec les passagers. Nous faisons la connaissance de Marat. Il habite Shimkent et se rend à une conférence internationale à Bishkek. Il est sourd et s'attache à communiquer avec nous avec des gestes et des mots simples. Nous apprenons quelques mots de langue des signes. Il est jovial et attentionné. Il a une bonne bouille.
 
C'est l'heure de repartir... pour s'arrêter vingt minutes plus loin. C'est la pause " Dîner".
C'est pas possible? Vous pensez qu'on va arriver à Bishkek avant demain matin???? Dîner, mais quelle idée... il s'écoule peut être une demi heure.
J'invective le chauffeur. Bon, c'est bon là? On y retourne?
 
A priori le bus semble redémarrer. Sur la route, d'autres bus, flambants neufs, nous narguent et nous doublent à pleine puissance
 - "Maman, pourquoi nous on a un vieux bus pour aller à Bishkek?" Demande une petite fille à sa mère. Excellente question, on se la pose aussi!
 
Il fait nuit noire. Difficile de s'endormir tant c'est inconfortable. A chaque zone de contrôle de police, le chauffeur rallume les néons. Et les pauvres voyageurs sont simultanément réveillés.
 
Une heure trente du matin, approche de la frontière. Une file interminable de camions de fret attend de passer les contrôles. Pour les piétons tout va très vite.
 Justine passe le contrôle de sortie du Kazakhstan.
 Le douanier :  Visa?
 Justine : Pas besoin
 Le douanier : Visa?
 Justine : Pas besoin, je suis française
 Un tampon, et hop, bye bye Kazakhstan
 
Vient ensuite mon tour.
Le douanier :  Visa?
Marine : Pas besoin, je suis française. Le ton est sûrement un peu sec.
Le douanier : oui, bah ça va. Je demande, c'est tout!
N'empêche que ca a l'air bien compliqué dans sa petite tête de douanier. Je ne sais si c'est à cause de l'heure avancée, mais les connections se font mal...
 
Retour au Kirghizstan. Une petite virée "pause pipi". On touche les tréfonds de l'horreur. On a déjà eu des endroits puants et immondes, mais là c'est la dignité qui en prend un coup. Les "trous" sont alignés les uns à la suite des autres, sans porte. Evidemment, c'est l'heure d'affluence. Faut parfois savoir prendre sur soi et se dire que l'immersion ca passe aussi par là... Par contre on ne traine pas hein^^.
 
On remonte dans le bus. Énième contorsion pour trouver le sommeil. Assommée par la nuit et la chaleur, je finis par sombrer aussi.
 
Quatre heures du matin. Le chauffeur allume les lumières et s'époumone "Bishkek! Bishkek !"
 Les taxis sont déjà à l'assaut des voyageurs groguis. Justine est dans les choux, je descends les sacs et réveille mes neurones. Ramasser les souvenirs des tarifs, du coût de la vie, du prix des courses précédentes. Se remémorer l'adresse de l'hôtel et comment on y va. Remettre le cerveau en marche avec la devise locale, alors que nous utilisons la monnaie Kazakhe depuis huit jours maintenant.
 
Le chauffeur de taxi nous demande l'adresse. Je lui demande le prix de la course :
Lui : 200 soms
Moi : Ca va pas la tête? C'est juste a coté, 5 minutes en voiture
Lui : mais non, c'est loin. C'est le prix normal
Il me tend son téléphone pour inscrire ma proposition
Moi : 100
Lui : 150
Moi : Mais l'ami, c'est à 5 minutes! Tu prends l'avenue et au bout à droite. C'est trop cher là!
J'écris 120 sur son téléphone. Je crois qu'on le fait bien rire avec ses collègues taxis. Il finit par acquiescer avec un grand sourire. Allez, zou, à l'hôtel!
Après réflexion, on n'a jamais payé aussi peu cher pour aller à la gare de Bishkek, même en plein jour.
 
Enfin, nous y sommes. Nos deux lits nous attendent dans le dortoir de l'Interhouse Guesthouse. Notre dernière journée à Bishkek sera chaude et tranquille. Au programme, shopping, ice cream et balades. Me voilà chargée d'un tapis de yourte, qui rentre péniblement dans le sac à dos.
 
Ce soir, nous retrouvons Tohir, un Tadjik que j'avais hébergé via Couchsurfing. Dernière soirée kirghize avant de reprendre l'avion. Les sacs sont bouclés. Ca sent la fin de l'aventure...

[Chapitre 18] Tu sais que tu es restée trop longtemps en Asie Centrale lorsque...

- tu ne penses plus à mettre ta ceinture de sécurité en montant en voiture
- tu passes devant un supermarché et tu te dis " chouette, il y a de la place pour garer mon cheval"
- tu regardes si le chauffeur a le volant à droite ou a gauche en montant en voiture
- tu remarques que ta petite robe Monoprix a les mêmes motifs des textiles de la vallée du Ferghana. C'est pas la classe ça?
- tu te dis que doubler par la droite c'est tellement bon, et ca te démange de refaire ça en France
- tu commences à penser que la course en taxi à 1,5€ et le repas à 2€ à deux ça devrait être là norme
- tu appelles tous tes réparateurs Raymond (PEMOHT en cyrillique - prononcer "Rémont")
- tu imagines que tu vas trouver du wifi partout. Et bien non... on est vraiment en retard en France!
- tu fais instinctivement de l'apnée a l'approche des wc, tu t'ébahies en voyant des "sitting toilets". Et - tu te dis que du papier Moltonel triple épaisseur c'est quand même presque du luxe
- tu arrives à prononcer "marchroutka" (minibus) du premier coup et sans hésiter
- tu trouves que tu as une face de rat bouilli en te regardant dans le miroir
- tu te dis que tu ne pourras plus jamais vivre sans Greski Salad, avec des tomates et des concombres qui ont du goût
- tu donnes l'impression d'être bilingue russe parce que tu fais toujours les mêmes phrases ! Et tu lis le cyrillique quasiment aussi facilement que l'alphabet de chez nous. Tu l’as même ajouté sur le clavier de ton téléphone !
- tu as épuisé ta trousse à pharmacie et les médicaments locaux viennent la compléter
- tu rêves d'un soin pour les cheveux et d'un gommage alors que t'en fais jamais à la maison
- tu négocies un taxi aussi bien que les locaux, et que tu trouves ca normal
- tu n'es même pas étonné d'acheter de l'alcool fort moins cher qu'une bouteille d'eau minerale
- tu laisses tourner le moteur quand tu fais le plein
- tu te dis "il n'y a qu'à faire du stop", y compris au bord de l'autoroute
- tu craches tes pépins de concombres comme un kazakhe, et tu réalises après coup que c'est quand même pas super élégant
- tu t'ai fais à l'idée que les plats n'arrivent jamais en même temps au resto. Tu as fini de manger que ton amie n'est pas encore servie
- tu manges tous tes plats avec une grande cuiller et une fourchette. Même la viande, c'est "sans couteau"
- tu n'hésites plus à crier au restaurant "Chiotte chiasse" (l'addition, maintenant)

[Chapitre 17] Une étape de plus sur les routes de la Soie

21:30, le train reliant Almaty à Aktobe se met en marche. Un train express, flambant neuf, de fabrication espagnole. Nous avons 12 heures de trajet jusqu'à Turkestan.
Nous allons parcourir en une nuit le parcours des caravanes des routes de la Soie, plus de 1000 ans auparavant.
 
Les compartiments de la classe "Luxe" sont idéalement optimisés. Aucune place perdue. Deux couchettes se superposent. Un petit escalier escamotable permet d'atteindre celle du dessus.
 À Almaty, Léna nous a aidés à réserver nos places. C'était les dernières et nous ne voyagerons pas à côté. Qu'importe. Nous voilà chacune dans notre compartiment. Le garçon responsable du wagon nous aide chacune à monter nos énormes sacs dans les niches a bagages du plafond.
 Attenant à chaque cabine se trouve une salle d'eau avec wc et douche. De quoi apprécier plus encore le confort du train!
 
La caravane ferrée s'est mise en route depuis un moment déjà. Mon camarade de chambrée dort sur ses deux oreilles. Le ronronnement du train, le ballottement du wagon, le ronflement de la clim, bercent la voyageuse rêveuse. Parmi les voyageurs, certains traverseront le pays en près de 50 heures...
 
Je me perds dans mes songes. Quand j'ouvre l'œil, mon voisin est déjà descendu. Le soleil poinds doucement à l'horizon. Il irradie le pâle relief qui se dessine. Puis le jour se lève, de cette lumière blanche et douce qui ne brûle pas encore. Par la fenêtre du train, le néant. La platitude infinie des steppes de la faim. Un relief balayé par les vents glacés l'hiver, brulé par le soleil et l'air chaud l'été.
 
9:30, arrivée à Turkestan.
Nous allons donc les croiser à nouveau, ces routes de la Soie. Elles se sont faites discrètes durant ce voyage. Enfin, les voilà, nous les touchons du bout des doigts.
 
Le mausolée de Kodja Akhmed Asavy est imposant et délicat à la fois. Commandé par Tamerlan, alors maître de l'Asie Centrale, il ne sera jamais achevé. A la mort de son commanditaire en 1405, le monument tombe dans l'oubli et traverse les siècles sans transformation. Et pourtant, quelle grandeur! Les maîtres constructeurs perses expérimentèrent a Turkestan de nouvelles solutions architecturales et structurelles, utilisées ensuite pour la construction de la belle Samarcande, en Ouzbekistan. Le bâtiment est surmonté d'un immense dôme, l'un des plus grands d'Asie Centrale. Les céramiques turquoise et bleues stylisent arabesques et versets du coran, dans le but de vulgariser l'islam conquérant en cette fin de 14ème siècle.
 
Nous déambulons plusieurs heures autour du bâtiment, avant de prendre la route de Shimkent.
 Alors effectivement, Turkestan n'a pas le charme de Boukhara ni la magnificence d'Isfahan. Les routes de la Soie sont discrètes, parfois timides. Mais elles sont là, à portée de main. Elles sont dans les récits des voyageurs, de Marco Polo à Ella Maillard. Elles sont dans les travaux des archéologues, et en partie sous nos yeux.
 
La vallée du Syr Daria, marque l'extrémité nord des conquêtes d'Alexandre le Grand. Elle constitue un bassin fertile et prospère pour les civilisations qui y élirent domicile. Nous la parcourons en partie, jusqu'à atteindre la brûlante Shimkent. Le thermomètre flirte dangereusement avec les 40 degrés, l'air est brûlant et pique les yeux. Nous croisons quelques chameaux de Bactriane, broutant les steppes. ils viennent apporter la dernière touche au portrait des routes de la Soie.
 
Nous nous refugions dans un hôtel luxueux et climatisé pour une douche fraîche et revigorante.
 
Jeudi matin, nous partons à l'assaut de Sayran, cité mineure des routes de la Soie qui a su préserver quelques mausolées intéressants et un minaret rondouillard.
Le temps d'explorer la ville sous un soleil de plomb, voilà déjà l'heure de regagner Bishkek.
 
Il nous reste huit heures de bus de nuit, et un nouveau passage frontière. Une dernière expédition sur les routes d'Asie Centrale. Voilà déjà presque la fin du voyage...

[Chapitre 16] Almaty, premiers pas chez les Kazakhes

Kazakhstan. Neuvième pays du monde par sa taille. Notre exploration du pays sera bien modeste. Il s'agit d'un aperçu, une incursion, poussée par la curiosité débordante de passer une nouvelle frontière.
 
Almaty. Nous pénétrons en plein contraste. Alors que sa voisine Bishkek donnait l'air d'un village paupéreux, elle est clinquante, rutilante. Cosy parfois. La plus grande ville du Kazakhstan porte l'étiquette de la réussite économique du pays. Centres commerciaux derniers cris, cafés à l'occidentale, boutiques chiques...et prix chocs! Retour à des tarifs plus proches des nôtres. C'est la douche froide par rapport au Kirghizstan voisin.
 
Nous retrouvons Léna et Niels, rencontrés à Paris par l'intermédiaire d'Hannah. Elle a grandi au Kazakhstan, lui en Suisse. Elle est statisticienne, il est ethnologue. Un cocktail culturel décapant! Découvrir la ville à leurs côtés, comprendre et échanger sur la complexité des ex-républiques soviétiques socialistes et partager un après-midi à Almaty à leurs côtés est un vrai délice.
Grâce à eux, nous rencontrons les poètes célèbres, les héros guerriers et les monuments d'État. Architectures contemporaines et soviétiques se marient, plus ou moins élégamment.
Justine est conquise par la ville, ses parcs et son atmosphère. Je suis plus mitigée bien que la cité gagne des points jours après jours.
Mention spéciale au musée national, qui retrace l'histoire paléontologique et ethnographique du pays de façon précise et bien documentée. Dommage que les explications en anglais soient trop sommaires...
 
Nous profitons d'être dans une grande ville pour retirer de l'argent. Nouvelle mission. Carte bancaire refusée, distributeurs en panne, transactions en échec. Il nous faudra près de 6 banques et autant d'explications en russe, avant de parvenir à retirer des tengués (monnaie locale) au distributeur...qui ne me demandera pas même mon code!
 
Après-midi shopping et essayage de robes moches, fous rires plus ou moins assumés. Nous finissons la soirée au cinéma, devant "L'âge de Glace"...en russe! Une petite séance de rattrapage en français pourrait s'avérer nécessaire!

[Chapitre 15] Dessine-moi un relief

Ferme les yeux.
Laisse toi porter, tu verras c'est facile. Met du relief sur mes mots, et dessinons ensemble treize heures de route à travers le sud-est du Kazakhstan. N'ai pas peur, la route est belle et les paysages variés.
 
D'abord la ville. Almaty. Il est à peine six heures, le jour est déjà levé. Les sommets enneigés sont bien dégagés, il n'y a pas encore de circulation. La ville est calme, comme toute cité qui dort encore. Le mini-van dévale la rue principale puis quitte tranquillement les faubourgs.
 
Ensuite, la steppe. L'immensité rase. Les espaces sans fin, à perte de vue. L'herbe est sèche et grillée. Nous avalons les kilomètres, longeons les contreforts d'un massif montagneux somme toute assez bas. Direction plein est. Au bout de la route, la Chine. Une nouvelle frontière à portée de main.
 
Une piste caillouteuse apparaît sur la gauche. Nous quittons le grand axe pour pénétrer dans la steppe. Des chevaux bruns et noirs, ainsi que leurs poulains, s'abreuvent autour d'une flaque. Ils ont l'air si paisible.
 
Une faille déchire la platitude. C'est le canyon creusé par la rivière Charyn dans les roches rouges. Le relief est profond, torturé, sculpté par des millénaires de pluie, de vent, de neige. Le van descend dans la gorge escarpée, s'insinue dans la veine tracée par la nature.
Lève la tête un instant, regarde ce rocher qui semble suspendu à l'éternité. Un souffle de vent suffirait-il à le faire dévaler la falaise?
Ici un ours, là un visage. La "vallée des châteaux" laisse le visiteur rêveur. On pourrait se croire dans le désert du Névada. Sauf qu'ici nous sommes presque seuls. Le canyon nous appartient, furtivement.
 
Voilà déjà l'heure de remonter la faille géologique pour s'enfoncer dans la montagne. Un lac artificiel, dont la couleur se confond successivement avec le bleu du ciel et le gris des montagnes, est entouré de crêtes sèches.
 
Une mauvaise piste serpente dans la montagne. Les roches sont nues, recouvertes peu à peu d'une couche d'herbe verte. Imagine, plus d'une heure à hoqueter sur un chemin de terre rouge bosselé et déformé par le ravinement des pluies. La température s'abaisse. Nous atteignons péniblement  le col. Il fait frais. Au loin la steppe pourrait passer pour l'océan, tant est la plate. Les premiers arbres apparaissent enfin. Il n'y a toujours pas un carré d'ombre.
 
La descente est aussi chaotique que la montée. La voiture slalome entre les aspérités de la piste. Enfin nous atteignons la rivière. Un cours d'eau vif bordé d'arbres.
 
Nous continuons à grimper, lancés sur des chemins de terre malmenés par les éléments. De l'autre côté des montagnes, Karakol (Kirghizistan). Tout proche.
 
Encore une heure de route. Nous atteignons un vaste plateau d'altitude, du nom de Aci. Regarde autour de toi, ici habitent des bergers nomades. Des yourtes émaillent le paysage. Les troupeaux paissent paisiblement. Chebaux, moutons, vaches. Une rivière et ses ramifications marbrent le paysage, tels un delta d'altitude. Des veaux nouveaux nés arborent un pelage encore frisé. De petits moutons tètent leur mère. Nous ne faisons que passer. Ils semblent immuables, dans ce paysage intemporel. Soudain un gamin d'à peine10 ans, fier sur son cheval, apparaît. Il paraît fendre l'infini des pâturages. A l'arrière-plan, des colonies de sapins longilignes s'alignent comme des cure-dents.
 
Il faut maintenant descendre du plateau, par une route qui n'en finit pas. Elle s'accroche à un torrent et le suit jusque dans la vallée. Des véhicules nous devancent, ce sont les premiers que nous croisons depuis près de 8 heures.
 
Voilà près de treize heure que nous parcourons les reliefs du sud est du Kazakhstan. Toi qui nous suit, imagine que tu as les cheveux collants de poussière, les paupières lourdes de fatigue et le dos tassé d'avoir tant été secoué.
Nous retrouvons les axes bitumés, pollués. Nous allons vers le sud, vers Almaty. Sur la gauche, les monts célestes. Encore eux. Des sommets à plus de 4000mètres. Un dernier coup d'œil.
Demain, nous nous réveillerons dans les steppes de la faim, au sud du pays.

[Chapitre 14] Au nom de l'amitié internationale

Almaty est finalement bien plus plaisante que l'image qu'elle nous avait donnée à l'arrivée. Vastes espaces verts, urbanisme ordonné, restos variés et stylés. Après avoir arpenté la ville dans tous les sens, il nous brûle d'en visiter les environs.
 
Le Kazakhstan constitue l'un des foyers d'émergence de l'Homme, et ce dès l'âge de pierre. Le site de Tamgaly, classé au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, présente des vestiges fondamentaux de la période. Les fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour des outils et céramiques, ainsi qu'un vaste site de pétroglyphes datant de l'âge de bronze (8000 ans avant notre ère).
Ni une ni deux, il nous faut trouver un moyen d'y aller. Nous demandons à notre Hostel si on peut trouver une excursion pour la journée. Tractations sans fin. Tarif exorbitant, négociations. Le prix est toujours trop haut, on décide de tirer un trait sur les pétroglyphes et de se débrouiller pour aller dans la montagne en bus. Puis le chauffeur rappel, le prix passe de 120$ par personne, à 70 puis à 50. Allons-y alors!
Départ à 9:00, pour une virée un peu différente de ce que nous envisageons.
Le chauffeur n'est pas spécialement loquasse, il est même carrément...bizarre. On fera avec hein!
 
La sortie d'Almaty est polluée et puante. La banlieue est émaillée de casinos clinquants perdus dans des terrains vagues. L'autoroute rutilante est en cours de construction, les véhicules se croisent d'un côté de la chaussée de façon complètement anarchique, doublent les yeux fermés guidés par les coups de klaxons de ceux qui viennent en face. A priori ça passe...
 
Tamgaly Tas. Première surprise, ce n'est pas le site UNESCO auquel nous pensions, mais un site homonyme de pétroglyphes bouddhistes du XVIII ème siècle... Ce n'est quand même pas de la même trempe. Deuxième surprise, il faut y aller le soir, lorsque la lumière rase les roches rouges. Le reste de la journée on n'y voit rien, pas de bol. Troisième surprise, le terrain est infesté de moucherons qui s'immiscent partout. Super... on va faire avec !
 
Le tour du site est assez rapide. Pour autant, il n'est pas dénué d'intérêt. On y trouve des Bouddha et des textes de mantras, signes évidents de la mobilité des hommes et des idées dans la région. Nous avançons entre les roches, à la recherche de trésors cachés des regards trop pressés. Des hommes se baignent dans la rivière en contre bas.
 
L'un d'eux vient à notre rencontre et nous explique en russe quelques infos logistiques sur le lieu, notamment qu'on a fait le tour. Plus loin il n'y a plus rien. Le bonhomme est sympa, il a le regard jovial et la bedaine rebondie dans son caleçon bleu trempé. A vue de nez, il sent un peu la vodka. Allez savoir pourquoi, il semble conquis par les yeux bleus de Justine.
 
- Davaitsé pa pmavaiem!
(Allez, on va nager?)
 
Justine :
- Niet. Ou minia nié... maillot de bain
(Oh bah non, malheureusement j'ai pas mon maillot de bain)
 
- Nié nada! ...
(Mais y'a pas besoin, tu peux y aller comme ça - sous-entendu en sous-vêtements). Et puis notre nouveau copain insiste, il aimerait bien qu'on aille patauger avec lui!
 
- Skolka tibia liet?
(Tu as quel âge?)
 
- 32!
- Ya 35 liet!
(Moi j'ai 35 ans!) - oula, il fait plus quand même... Et va qu'on se tape sur le ventre, c'est dingue tous nos points communs d'un coup!
 
- Davai, foto!
 (Allez, photos!)
 
Je prends l'appareil de Justine, afin d'immortaliser la bonne humeur de notre nouveau copain. Tactile d'ailleurs le nouveau copain. Il attrape notre Justine par la taille, je m'apprête à dégainer l'appareil photo et .... il la prend dans ses bras dans un porté...surprise! Grand moment de rires.
Et voilà qu'il veut m'en faire autant. Ah non non, pas question! J'esquive comme je peux, et je m'en sors bien.
 
- Tchai? Piat minutes!
(Vous avez bien cinq minutes pour prendre un thé?)
 
Pourquoi pas... On pensait faire une pleine journée archéologique, on a fait le tour en une demi-heure. Alors on a bien cinq minutes pour un thé!
 
Les hommes sont tous sortis de l'eau. On se retrouve à l'ombre d'une tonnelle, devant une table pleine de pique-nique.
- Ti pioch vodka?
(Je te sers un verre de vodka?)
 
C'est vraiment sympa de nous proposer de trinquer à l'amitié internationale, mais vraiment, la vodka, c'est pas possible. L'un d'entre eux apporte une bouteille de coca, neuve et fraîche. Il nous dégote deux gobelets qui semblent propres. Va pour du coca. Ça doit pouvoir renforcer l'amitié entre les peuples quand même.
 
Nouvelle séance photo, avec à peu près les appareils de tous nos nouveaux copains. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ont le contact facile. On se serre sur le petit banc, collé serré et les mains sur la taille. Justement, là, la main qui glisse jusqu'à la hanche, ce n'est pas obligatoire hein! Et le petit bisou pour la photo, c'est pas indispensable.
 
- Tu jenat?
(Tu es mariée?)
 
Ah tiens, d'un coup, j'ai l'impression que c'est le moment d'avoir un mari aimant en France. S'en suit à peu près la discussion suivante :
 
- Mais alors si tu es mariée, pourquoi t'as pas d'enfants ?
- Chaque chose en son temps hein! On garde ça pour plus tard
- C'est prévu pour quand?
(Oh quelle est bonne cette question!)
- Quand? Pas tout de suite! D'abord un travail, une maison, une voiture et après les enfants
- Au Kazakhstan, c'est dans l'autre sens. D'abord les enfants, puis la maison et la voiture!!
 
Allez, c'est reparti pour les photos. Pas si près la main là, on se connait pas assez! Moi qui suis déjà pas la fille la plus tactile de la terre, alors là je suis aux anges. D'ailleurs, réflexion faite, j'ai l'air un brin crispée sur les photos!
 
- Astarojna, Justine muj : baltchoi
(Attention, le mari de Justine il est du genre baraqué. Si j'étais toi je ne m'y frotterais pas - petite pensée pour Yoann!)
 
- Ah bah ca veut dire que le tien il est tout maigre?
Et hop, nouvelle étreinte. Ils sont gentils mais un peu collants nos nouveaux copains.
 
Bon allez, avec tout ça, je crois que c'est l'heure de repartir hein! On a œuvré pour la fluidité des relations internationales, on aurait pu trouver chacune un mari sur place. Malheureusement pour eux, les nôtres attendent en France. Enfin, on se comprend hein!
 
Retour mouvementé avec notre chauffeur. C'est dingue comme il a du mal a faire UNE UNIQUE chose à la fois. Ce serait cool que tu te concentres sur la route, plutôt que de retirer les fils de ta casquette pour en faire du fil dentaire! Et le stylo, pour te gratouiller l'oreille, ce n'est pas obligatoire. D'ailleurs regarde la route, c'est mieux.
 
Pfiou, quelle journée...

[Chapitre 13] Miss pète-couilles, la vieille peau et les autres: chronique d'un passage frontière

Les voyages sont souvent faits de belles rencontres, et puis il y a des jours où on a l'impression de rencontrer le gratin des crétins. Portraits croisés d'une épopée sur les routes d'Asie centrale, direction le Kazakhstan.
 
Vendredi 5 août, 6:30. Nous ouvrons l'œil avant le réveil. Une longue journée nous attend entre Och, au sud du Kirghizistan, et Almaty au Kazakhstan.
Taxi jusqu'à l'aéroport d’Och, contrôle des bagages. Il est 7:30, notre avion décolle dans une heure et demi. Les familles se pressent dans la salle d'embarquement. Les jeunes parents tiennent la main de leurs enfants, de 4 ans tout au plus. Nous supposons la mise en place d'une politique nataliste par le gouvernement dans les années 2012, tant le nombre de jeunes enfants est important.
Au fond de la salle, une jeune femme dénote dans le paysage ethnique. Elle est brune mais ses profonds yeux verts attirent immanquablement le regard. Du sang afghan coule certainement dans ses veines.
 
Nous embarquons enfin, les paupières lourdes. Alors qu'à l'aller nous avions traversé le pays du nord au sud en bus, nous le survolerons dans l'autre sens. Les montagnes que nous avons gravies, les vallées que nous avons traversées près en douze heures quelques jours plus tôt seront avalées en trente-cinq minutes d'avion. Places 16A et 16B, pas de chance, nous sommes sur les ailes de l'appareil. On risque de ne pas voir grand-chose des sommets enneigés.
Au niveau de nos sièges, nous retrouvons la belle afghane et sa petite fille, confortablement installées au niveau du hublot.
Justine : "Excusez-moi, c'est ma place"
Pas un mot, à peine un regard.
 
Bon... De toute façon on est au niveau des ailes, on ne verra pas grand-chose. Et puis on ne va pas batailler pour une demi-heure de vol.
Sauf que "Miss Pète-Couilles" est non seulement pas souriante, mais elle est capricieuse et envahissante. Et puis cette manie de faire des selfies en tirant une tronche de dix pieds de long, quel intérêt?? Une vraie gamine pourrie gâtée, qui gesticule et assène Justine de coups de coude. Désolée mademoiselle, mais les beaux yeux ca ne suffit pas!
Justine est à deux doigts de lui tordre le coup. Les sommets se déroulent sous l'appareil, c'est sûrement très joli tout cela...
 
Arrivée à Bishkek, taxi jusqu'à la gare routière de l'Ouest, une espèce d'immense zone désordonnée où il nous faut trouver une marchroutka à destination d'Alma-Ata (Almaty), Kazakhstan. Après avoir tournée dans tous les sens, nous y voilà. Il reste de la place, mais pas pour les bagages. Soit, attendons la suivante. Le chauffeur est adorable, il nous suggère de nous installer et de choisir nos places. Ensuite, il faut attendre. Attendre que les 20 places soient réservées avant de démarrer. Ainsi commence le défilé du genre humain. Une petite vieille vient animer le tableau, avec son museau de fouine et ses petits yeux narquois. La vieille peau veut faire la pluie et le beau temps sur le quai de la gare et dans le bus. La voilà qui s'active à placer, à déplacer, à gouverner. Oh, mais elle est pénible celle-ci, de quoi je me mêle?!
Le bus se remplit. Une jolie petite grand-mère qui pourrait être anglaise, avec sa robe bleue à pois et son petit chapeau, le sosie centre-asiatique de DSK et un monsieur au crâne fripé, tel un sharpei!
 
Midi, on démarre enfin. Il fait un soleil de plomb et une chaleur écrasante.
A peine trois quarts d'heures plus tard, nous voilà à la frontière. On ne va pas être déçues!
 
Il y a quelque chose de fascinant dans la notion même de frontière. Cette démarcation, officielle, qui se veut hermétique, qui contraint les déplacements, exige de les déclarer. Et qui plus que jamais encourage à les contourner, à les violer. L'herbe serait-elle systématiquement plus verte ailleurs? La quête d'un avenir meilleur s'entend pour beaucoup par l'escalade de tous ces obstacles migratoires. Sans assurance de ce qu'il y a de l'autre côté du grillage, parfois (tristement) de l'autre côté du mur.
Alors nous voilà au pied d'un nouveau pays, d'un côté de la rivière Chuy. Dans quelques centaines de mètres, nous passerons en république du Kazakhstan.
 
Purs produits de l'espace Schengen, nous aurions tendance à oublier le salamalèque administratif que constitue un passage de frontière terrestre. Pourtant le rituel est toujours le même, et l'ambiance électrique ne semble guère varier d'un pays à un autre.
 
Descendre du bus et prendre ses bagages.
 
Accéder au poste frontière de sortie du Kirghizistan. Nos passeports passent de mains et en mains jusqu'à ce qu'on les quitte des yeux, le temps d'un tampon dans un bureau spécial. Le douanier nous les rapporte, regarde nos photos :
- Marina? (Il me fait signe de retirer mes lunettes) It looks an other you!
Oui... je ne ressemble pas à mon passeport, mais oui, je vous assure, c'est bien moi. Ça va, ça a l'air de le faire sourire. Ce n'est pas toujours le cas, ça m'a déjà valu quelques petites difficultés. Pas envie de s'y frotter aujourd'hui...  Tout est en ordre.
 
Traverser le no man's Land entre les deux pays. Ici il s'agit de traverser, en plein soleil, le Pont qui enjambe la rivière. D'un côté, les véhicules avancent un par un. Un type est chargé d'arroser la route en terre battue d'un liquide désinfectant. Les piétons s'amassent, que dis-je, se tassent et se bouscule, dans le corridor qui leur est destiné. Les gens semblent perdre tout civisme. Vas que tu me pousses, que tu évinces mon sac, que tu joues des épaules pour gratter dix centimètres que tu perdras dans la foulée. Les gens s'énervent, Justine s'agace. Il fait chaud et les gens sont insupportables.
- P*****! Mais ça sert à rien de pousser! On va tous la passer cette fichue frontière. Regarde, ça ne sert à rien de monter sur Justine. Distance!!
"Distance" est un mot transparent. La vieille bourrique devant comprend, et je me fais maudir alors que Justine se fait rabrouer une nouvelle fois. Il faut dire qu'elle laisse de l'espace avec les gens en face d'elle, fatale erreur...
 
Après 45minutes en plein cagnard, arrive enfin le poste frontière d'entrée au Kazakhstan. Les guichets sont complétement désordonnés, la fourmilière grouille. Les marchands transportent des paquets énormes, qui sont plus larges que les voies à emprunter. C'est la cohue. On se glisse derrière un comptoir. Le douanier à sûrement avalé de travers, il est aimable comme une porte de prison. Une photo par caméra numérique, un tampon et on file! Quelle épreuve...
 
Nous voilà en République du Kazakhstan. Nous changeons 50€ en Tenge, la monnaie locale. Le temps de retrouver tous nos compagnons de route, nous voilà réparties.
 
Treize heures se sont écoulées depuis sue nous avons quitté Och. Nous arrivons à la gare routière d'Almaty. Il est 19h mais nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous avons l'adresse de notre hostel, reste à trouver un taxi. Pas simple! Ici pas de taxi officiel. Comme au Turkménistan, c'est à mi-chemin entre de l'autostop et du BlablaCar. Par contre il faut savoir expliquer où allez et proposer un prix!
La fatigue aidant, la tâche est ardue. Les voitures que nous arrêtons demandent des informations complémentaires sur l'adresse, d'autres proposent un prix astronomique. On se décide à rentrer dans la gare, chercher du wifi et faire une photo de Google maps. Mais le réseau est saturé. Rien ne fonctionne comme on le souhaite. Dépitées, nous demandons à deux jeunes kazakhes de nous renseigner. Ils sont adorables, appelles l'hostel, demandent l'adresse précise et nous accompagnent jusqu'à l'avenue principale pour expliquer le chemin et négocier pour nous.
- Atkouda?
 (Vous venez d'où?)
- Francia
(De France)
- Francia?... Terrorist attak... Kazakhstan tojé...
(Vous avez eu des attentats en France. Nous aussi... c'est terrible)
Quelques jours avant notre départ, Almaty était touchée à son tour par une attaque, qui visait la police. Le gouvernement a incriminé les milices terroristes. Les critiques internationales étaient plus frileuses, ce pourrait être des soulèvements internes... Nul n'en saura plus pour le moment...
 
La ville est gigantesque, polluée et embouteillée. L'hôtel semble hors de portée. Impossible de se souvenir s'il est bien situé ou non... Le chauffeur se perd, c'est reparti pour une série de feux qui n'en finit pas de passer au rouge.
Enfin nous arrivons. Encore une longue journée à travers l'Asie Centrale.

[Chapitre 12] Immersion, quand tu nous tiens...

Après l'expérience de vie nomade, nous poussons la découverte du pays encore d'un cran. A vrai dire, on s'en serait bien passé, et je me suis longuement interrogée : je vous raconte tout ça ou pas? Et puisque tout fini bien, et qu'on en a quand même ri, alors zou, on partage!
 
Nous voilà donc à Och, dans le sud du pays. Cette ville m'intrigue depuis bien longtemps. Ancienne place forte des routes de la Soie, cité emblématique de la mosaïque culturelle qui anime la région et triste témoin des massacres ethniques des années 1990 et 2010, dont le monde entier à si peu entendu parler...
Justine se remet sur pieds, après une petite intolérance a la nourri locale. On s'organise pour aller faire deux jours de randonnée dans la vallée Alaï, cœur du Pamir kirghize. C'est un coin assez sauvage, et paraît-il magnifique.
 
Tout était pourtant bien parti, jusqu'à un horrible point de côté qui ne se décidait pas à passer.
 
"P**** ça fait méga mal ce truc" une douleur dans la poitrine qui s'étend jusqu'au bras droit, des difficultés à respirer et à faire le moindre mouvement.
Euh... je vais peut-être aller me reposer un peu là. Au bout de 4 heures, aucun changement... Ça craint non? Qu'est-ce qu'on fait là?
Je décide d'appeler Suzanne, la femme de mon parrain, qui est pédiatre. Bon, d'accord, je suis un grand bébé, mais ca devrait le faire quand même.
 
- Ah Marine?! Vous êtes rentrées? C'était bien les vacances?
- Euh... En fait on est toujours là-bas et on a un petit soucis...
 
Diagnostic par téléphone, questions réponses... Altitude? Respiration? Douleurs dans le dos?
 
- Ca pourrait être un pneumothorax...
 
Oulala ??? Comme dans Greys Anatomy???? Mais en général ça fini très mal dans les épisodes en question....
 
Et puis de questions en réponses, quelques instants de fou rire douloureux (parce que, oui, ça fait MAL!!), Ça ressemble plutôt a des douleurs intercostales. Verdict : doliprane et ibuprofène pour calmer la douleur, et pas de rando demain.
Bon, bah partons là-dessus...
 
Le soir sous la tonnelle de la guesthouse, nous faisons la connaissance de Nurgul, une dame d'une cinquantaine d'année. Elle œuvre depuis plus de vingt ans pour l'autonomisation des femmes et le renforcement de leur rôle dans la société kirghize. Elle est passionnée par sa mission, et nous parle des actions concrètes qu'elle mène à travers le monde. C'est un sacré petit bout de femme! Ancienne vice-présidente de l'Université internationale de Bishkek, elle consacre maintenant son activité à la cause du droit des femmes. Elle est très touchée que nous nous intéressions à son pays. Nous lui expliquons que les kirghizes sont agréables, mais qu'il nous est difficile de partager leur quotidiens, tant ils sont discrets. Or notre vision de la découverte d'un pays passe avant tout par le contact et l'immersion. Ni une ni deux, elle décroche son téléphone et contacte l'une des femmes de son association, qui habite dans un village à une heure au sud de Och. Elle nous arrange une visite dans le village, pour partager le quotidien de cette dame, veuve, dans un village rural. Nous arriverons le lendemain matin et passerons la nuit sur place. Nous prévoyons d'apporter de quoi préparer une ratatouille, histoire de partager un petit bout de notre culture également. C'est donc toutes excitées à cette idée que nous allons nous coucher.
 
Nuit horrible, douleurs incessantes, je peine à respirer. Je ne dors pas de la nuit, Justine non plus du même fait. Au petit matin, on se décide à faire appeler un médecin. C'est là que l'immersion commence... alors déjà décrire où on a mal dans sa langue ce n’est pas simple, alors en russe ça devient un vrai défi. Examen express, un peu succinct à notre goût... une piqure dans les fesses et roule ma poule.
- Maintenant tu dors, conclue la doctoresse.
Du coup, pas de virée dans le village pour découvrir la vie rurale. Décidément, tout tombe à l'eau à Och...
 
Le soir ça ne va pas mieux, on se décide  appeler le service d'assistance. Quitte à avoir une assurance, autant s'en servir! Justine s'occupe de tout, une vraie mère. Le monsieur de l'assistance se met en quête d'un médecin "fiable et anglophone". Alors si ça existe, c'est le Pérou! Euh... le Kirghizistan ?!
Le matin je me sens presque en forme. Ça tombe bien, on va pouvoir explorer le système médical local!
 
L'assistance nous a envoyé un chauffeur et une "assistante" somme toute sympathique mais qui ne parle pas un mot d'anglais. De toute façon, les médecins que je vais voir non plus... Justine et moi sommes assez sereines, je vais mieux et Suzanne continue à faire l'assistance "whatsapp".
 
Nous voilà dans un hôpital. A priori c'est sans rendez-vous. On a le nom du responsable du service de Traumatologie, qui me reçoit rapidement. J'entre la première, je me retourne. Il a fermé la porte, laissant Justine et l'assistante dehors.
 
Euh... je sais rien dire en russe moi, oulala, il me faut ma copine!!!
- Justiiiiiiine!!!!!
- Nié nada Justine.
( On n'a pas besoin de Justine)
- Ya nada. Padrouga gavarit pa ruski
(Ah bah si, moi j'en ai besoin, elle parle russe ma copine - parce que lui, il ne parle pas anglais. Et m****)
- Niet
(Non)
... bon bah ça c'est clair...
 
Je ne comprends rien, je fais trois pauvres phrases. Je me dépatouille  pour dire qu’aujourd’hui je vais mieux. il a l'air de comprendre. D'habitude mon vocabulaire me permet de prendre l'avion, aller au restaurant, faire mes courses... mais pas du tout d'aller chez le médecin.
Osculation expresse : je crois qu'il vérifie si je n'ai pas une côte cassée ou un truc comme ça.
- "Fsio normal"
(tout va bien)
Et il nous envoie chez un "Nergo spécialist" (neurologue?). On traverse l'hôpital. On est bien loin de nos standards européens... et je suis bien contente de ne pas y séjourner !
 
Direction la "polyklinic". Les patients sont en meilleur état qu'au service de traumato, et puis les peintures semblent moins décrépies aussi.
Encore sans rendez-vous. On entre toutes les trois dans un petit bureau longiligne, qu'on semble assaillir tant nous sommes nombreuses! Le médecin me fait faire quelques mouvements. Encore un diagnostic express! A priori j'aurais eu un chaud et froid lorsqu'on s'est baignées au lac Issy Kul l'avant-veille de la douleur. Soit. Je repars avec mon ordonnance. Il préconise des injections dans les fesses. Euh.... on part demain au Kazakhstan, c'est pas pratique ça?! Il regarde Justine et suggère qu'elle s'en charge... Comment dire? Elle est graphiste, pas infirmière. Et je ne tiens pas forcément a ce qu'elle fasse ses premières armes sur mon popotin ! Nouveau fou rire. Ah non, faut pas me faire rire, ça fait mal! Nouvelle ordonnance, avec des cachets. Effectivement, ça semble plus adapté.
 
Je reste quand même un peu sceptique sur la qualité des examens, mais bon... Suzanne veille au grain :)
 
De toute façon, j'ai beaucoup moins mal. Le moral est bon, les troupes sont fraîches!
Demain on prend l'avion et on se CASSE! Direction le Kazakhstan, pour reprendre un peu de rythme et d'aventures!!!!