Ainsi va l'Afrique...
"P*****, fais pas comme si tu découvrais que ça ne
marche pas!!". Haah!! Je les maudits, ces Sénégalais qui donnent un air
faussement surpris devant un dysfonctionnement qu'ils connaissaient pourtant!
Ibrahima et ses essuis glace, le chauffeur de clandos et sa vitre qui ne
remonte pas, et maintenant le gérant de l'hôtel qui " découvre" la
fuite de ma chasse d'eau! Va-t-il y en avoir encore beaucoup d'autre comme ça?
Ce soir (*) tout m'agace, tout m'irrite.
Fin de la formation de l'association des femmes en charge du
nettoiement des plages. On convient des horaires pour le lendemain. On
s'accorde sur 9:00. Elles plaisantent ensemble. Je comprends, dans leur wolof,
"9:00 sénégalaise". Ah oui, évidement, moi je raisonne en heure
française. Après traduction ce sera 9:30... Je préfère en rire. Les précédentes
formations, l'heure sénégalaise m'avait fait attendre jusqu'à 11:00... Allez,
prenons ça avec le sourire!
Lorsque j'ai repris cette boutade avec les maraîchers, mon
troisième groupe de stagiaires, ils m'ont rappelé la devise sur le fronton de
leurs écoles : " L'heure c'est l'heure. Après l'heure, ce n'est plus
l'heure. Avant l'heure, ce n'est pas encore l'heure", avant de me rappeler
que l'heure est universelle. Ils conviendront tout de même qu'ils ont un
problème avec la ponctualité !
J'ai pris mes quartiers à la lisière du village de petit
Mbao, dans la Maison des Amis de la Nature. Ce foyer pour les visiteurs était
somme toute très correct, mais située au fin fond de nulle part, avec pour seul
compagnon le gardien et les moustiques. Rassure toi, lecteur : le pays présente
peu de dangers, que les gens veillent les uns sur les autres et que le climat
est assez quiet. Et puis j'avais amené de quoi bouquiner! Ajoutons à cela que
le resto borgne à proximité ne m'inspire guère... Je compte sur la fin des
formations à Keur Massar, village à proximité, pour amorcer une fuite
organisée. C'est le moment opportun pour déménager dans un hôtel à Dakar même!
De plus, Aurélie me rejoints mercredi soir. Double effet d'aubaine!
Mais pourquoi donc avoir trouvé un logement à Tatayou les
Oies? Je commence à comprendre Ibrahima... Planète urgence vient en appui à des
projets locaux, en mettant en contact des volontaires, venus avec leurs compétences,
et des associations locales. Il n'y a pas de subventions, pas de subside
financier, pas de don direct. C'est un échange de connaissances. Un moyen sain,
selon moi, de cesser la mise sous perfusion des pays en développement, dérives
de décennies d'ONG, au profit d'un partenariat de travail.
Mais le partenaire local ne voit pas tout a fait les choses
sous cet angle! J'ai compris qu'il rogne sur tous les postes pour dégager un
petit profit, notamment le logement! À priori, ce n'est pas pour glisser les
quelques milliers de francs dans sa poche, mais plutôt pour en faire profiter
l'association. Le hic, c'est que ça ne rentre pas du tout dans le partenariat
avec Planet Urgence...
Et la petite Marine dans tout cela? Heureusement, Romain, le
correspondant de PU n'est jamais vraiment loin. Après avoir longuement échangé
ensemble, nous avons recadré quelques points. C'est la première fois qu'il
travaille avec Ibrahima. J'ai comme l'impression qu'il y aura un peu de travail
pour s'accorder pour la suite! Nous convenons que je termine au mieux les
formations. Je mise tout sur mon esprit positif et constructif, sur ma bonne
humeur et mon entrain! Quoi qu'il en soit, je sais que le renforcement des
capacités pour lequel j'ai œuvré sur ces 10 jours ne sera pas vain. Je vois
dans le regard de ces femmes des idées qui s'éclairent, des solutions qui
s'animent. C'est une ouverture possible vers un avenir meilleur, vers des
perspectives différentes. Peut-être pourront-elles dégager une petite activité
génératrice de revenu et améliorer le quotidien.
Cette jeune fille, étudiante en gestion, met du sens sur ses
courts parfois abstraits. Sur un exercice un peu compliqué, la voilà qui aide
les femmes moins érudites qu'elles. Il y a cette femme, qui projette d'acheter
des chaussures fabriquées artisanalement dans un village du pays pour les
revendre à la paire ici. Elle adapte immédiatement mes exemples sur son cas
concret, m'interroge sur tous les coûts à prendre en compte et sur le bénéfice
qu'elle pourra dégager. Son projet tient ma route. C'est le début d'une
nouvelle voie... Le Sénégal se construit ainsi. Mais la route est encore
longue.
Une goutte d'eau dans l'océan... Pourtant le pays ne manque
pas de ressources! Les bonnes volontés sont légion, les formations sont de qualité.
Au fil des jours j'apprends à connaître ce pays. Petit à petit, je comprends
quelques ficelles. Si peu... Une goutte d'eau dans l'océan...
(*) mardi 29 septembre
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