samedi 2 janvier 2016

[Chapitre 14] Saint Louis, aux portes du Sahel

Saint Louis nous ouvre ses portes.

Le trajet a été laborieux. Nous avons quitté, à regret, les courbes sinueuses de la piscine paradisiaque des Amazones. Réveil agité. Mon estomac manifeste un mécontentement acerbe. Pourtant je ne crois pas l'avoir beaucoup contrarié...  Refusant d'écouter ses gerémiades, nous sautons dans un "sept places". Il n'y a pas de trajet direct, il nous faudra changer à Thiès, à 1h30 de là. La chaleur, les odeurs, les chaos de la route... La situation se complique pour la Petite Marine. Pourtant, maintenant que nous sommes lancées, impossible de reculer. La vieille 505 est une carcasse roulante, un tombeau ouvert... Nous nous  résignons à  faire une halte "sanitaire" à Thiès.
Après une bonne nuit de sommeil, nous prenons route vers Saint Louis, à l'embouchure du mythique fleuve Sénégal.
Nous voilà dans l'ancien comptoir colonial, à moins de 3km de la Mauritanie. En huit jours, nous avons parcouru le pays du sud au Nord, de la frontière Gambienne à la Mauritanienne. Nous ne pourrons pas pousser l'aventure jusqu'en Casamance, pourtant l'une des plus belles régions du pays. N'écoutez pas les mauvaises langues, les regards lointains ou les actualités, qui font état de guerre civile sur place. Les avis sont unanimes, c'est encore de la désinformation. Au pire, il s'agit de brigandage et de quelques pillages, sous couvert de réclamations faussement indépendantistes.

Saint Louis, malmenée par le temps. Les bâtisses coloniales rêvent d'un glorieux passé. Cependant, elles accusent le poids des années. Façades décrépies, entretien malheureux... Que reste-t-il de la grandeur d'antan? Nos manuels d'histoire se souviendront sans doute que Saint Louis, ainsi nommée par Louis XIV, fut la première colonie française d'Afrique. Les belles demeures respirent la poussière,  les balcons en fer forgé se creusent de rouille. Il reste quelques belles portes cochères en bois, miraculeusement conservées. Il flotte malgré tout une atmosphère paisible, entre les murs ocres et rouges des patios ombragés. Pour forcer encore un peu le destin, les touristes ont tourné les talons. Saint Louis, victime successivement de la crise économique de 2009 et de l'insécurité dans la région du Sahel. Pourtant ici, nous sommes loin de Daesh.













Fleuve Sénégal, mythique parmi les grands cours d'eau. Frontière naturelle avec la Mauritanie, le Mali et la Guinée, il en a vu passer des combats, des esclaves, des pêcheurs et autres embarcations de fortunes. Le fleuve sera un axe important pour la traite des esclaves puis celle des billes de bois tropicaux. C'est sur les bords du fleuve que les navires arabes et occidentaux de bois, puis les cargos viennent chercher les équipes d'ouvriers souvent très modestement payés.

Nous partons découvrir le parc Naturel de la Langue de Barbarie. Il s'agit d'une longue presqu'île sableuse séparant l'île de Saint Louis de l'océan Atlantique. Cependant, celui qui s'oppose aux règles édictées par Mère Nature doit s'attendre à subir son courroux. En 2003, Saint Louis est menacée par la montée des eaux du Fleuve Sénégal. Pour détourner l'eau, une brèche est percée dans le banc de sable. Malheureuse initiative... Depuis lors, la trouée ne cesse de s'agrandir, ouvrant la voie à un désastre écologique sans nom. Eaux douces du Fleuve et saline de l'océan se mêlent, conduisant à la disparition des espèces autochtones et à l'ensablement d'une partie de l'embouchure. Parallèlement, la brèche ne cesse de s'agrandir, encore et toujours...

La pirogue qui nous conduit sur la langue de sable blanc toussote. À l'évidente, le moteur peine. L'embarcation s'arrête. Le piroguier amorce à nouveau le moteur, le relance. Encore une fois. Rien. Enfin, dans un souffle pulmonaire nous voilà de nouveau en route... Quelques minutes plus tard, mêmes symptômes. Les idées filent dans nos têtes : la berge est un peu loin et le courant trop fort pour imaginer rentrer à la nage. Des pêcheurs viennent accoster sur notre pirogue pour réanimer le moteur. De longues minutes plus tard, la machine redémarre. Le temps d'une visite sur une île où nidifient des sternes, nous retrouvons notre pirogue, secourue par une seconde. Hypothèse évidente : l'ambulance est venue mettre un peu d'essence sous perfusion à la pirogue convalescente. Étonnamment, elle retrouve toutes ses forces.







Après une balade dans Saint Louis, un dernier Tieboudienne, il est temps de repartir. La chaleur est étouffante. L'air est brûlant. L'Harmattan souffle ses premières bourrasques chaudes et poussiéreuses. Dehors, les vastes étendues sont encore vertes, mais pour combien de temps? L'hivernage touche à sa fin, les dernières gouttes de pluie arrosent les prairies. Les paysages du Sahel seront bientôt aussi secs que la paille.






























Nous mettons cap sur Dakar. Fin de l'aventure.

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Chers lecteurs,
Ainsi se termine les aventures de la petite Marine au pays de la Teranga, des baobabs et du Tieboudienne.
J'espère que ce crapahutage vous a plu.
À bientôt pour d'autres aventures,

Marine

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