samedi 2 janvier 2016

[Chapitre 6] L’heure du bilan ?

Certains comptent... Je m'étais promis de ne pas tomber dans ce cercle d'illusionnistes, de calculateurs... Et puis j'ai glissé, sans même m'efforcer de résister. J'ai succombé à la curiosité de placer, sur une feuille, la liste des pays visités. J'ai même fixé un objectif, avant mes trente ans... À quoi bon? Autosatisfaction? Orgueil? Curiosité? J'ose espérer ne pas tomber dans ces travers. Pour les raisons contraires, j'en tairai la valeur. Et puis qu'elle signification pourrait on seulement en donner?
À la question "Tu as fait l'Afrique ?", je bouillonne.
" Faire" un pays, est-ce seulement possible? On ne "fait" pas un pays, au moins peut-on le pénétrer, au plus peut-on le vivre, le sentir vibrer en soi. En général on se contente de le visiter, ce qui n'est pas une mince affaire. Reste le rythme qu'on souhaite lui donner : à la japonaise, pour parcourir en 6 jours les merveilles de l'Europe? Ou au rythme lent de celui qui découvre? J'espère, un jour, pouvoir sillonner, sans contrainte de temps, une région, un pays, un continent, et enfin sentir l'âme de celui qui voyage.

En cette soirée de digestion, après l'orgie de moutons de la Tabaski, j'ai l'âme vagabonde et le coeur à la plume. Je retrospecte, je rétropédale, je jette un oeil par le rétroviseur des escapades passées...

Mon plus beau coucher de soleil? C'était sûrement en Bretagne, là où enfants, nous passions les vacances en famille. Ces crépuscules où nous courrions après le soleil, emmitouflés dans un pull-over pour résister aux embruns. C'était en famille, à respirer l'air iodé.

Le morceau de musique qui raisonne encore en moi? "Californication" des Red Hot Chilly Pepers. À chaque passage, je revois le désert du Karakoum se dessiner sous mes yeux. La liberté de circuler dans l'immensité du désert turkmène. Chassés, les souvenirs ternes. Cette musique me ramène les plus vivaces.

Le paysage le plus fantasmagorique ? L'arrivée sur les Cameron Islands, en Malaisie, à l'heure où le jour n'a pas encore chassé la nuit. Lorsque les figures sombres des montagnes commencent à se dessiner dans la nuit qui s'estompe.

Le plus beau trajet en train? Entre Sofia et Bucarest, dans un vieux wagon sovieto-chic. Le samovar brûlant siffle encore dans mes songes.

L'épisode le plus périlleux? Le trajet en bateau pour rejoindre le parc National de Tayrona, en Colombie, dans une mer  déchaînée. La hauteur des vagues, le claquement de la coque venant s'écraser lourdement sur les vagues, la brûlure sur ma main qui se retient coûte que coûte à un malheureux morceau de corde. Dans la brume de mes cauchemars, je distingue l'image de nos corps retrouvés, quelques jours plus tard, échoués sur la côté....

Les couleurs les plus vives? Le défilé des saris flamboyants au lève du soleil, sur le marbre blanc du Taj Mahal.

Le meilleur souvenir culinaire? Les momos tibétains, dans un village de réfugiés, quelque part aux confins de l'Himalaya. Je pense aussi aux reines-claudes, chauffées par un bel après-midi d'été. C'était au fond du jardin de mes grands-parents, derrière un tas de pierres.

Le monument qui m'a le plus marqué? La cité de Boukhara, en Ouzbékistan, à l'heure où les rayons du soleil viennent caresser les murs jaunes et les céramiques turquoises, quand les coupoles rappellent la grandeur du passé. Retour éphémère sur les Routes de la Soie.

La plus belle rencontre? Monsieur Izadi, un soir dans le désert de Maroumba (Iran), héros de la Guerre Iran Irak et fervent opposant au régime. Nous y avons vécu une des nuits les plus marquantes qui nous soit donnée de vivre.

Ma pire nuit? Celle où j'ai cru attraper le Choléra, du côté de Jodhpur, en Inde. Lorsque les films historiques et les récits d'un autre temps laissaient imaginer une issue fatale... J'en connais une qui sourira en lisant ces lignes (pour ma comparse de voyage)

Le moment de perdition que je préfère? Errer sans but dans les ruelles des bazars d'Istanbul, pour finir immanquablement par un bol de soupe aux lentilles.

Le fleuve qui m'anime aujourd'hui encore? L'Amou Daria, frontière de l'ancien Turkestan Oriental. Traversé par Alexandre le Grand en des temps depuis longtemps révolus, je me revois dans un taxi soviétique traverser un pont fait de flotteurs liés les uns aux autres.

Les villes qui raisonnent dans ma tête : Tombouctou, Oulan Bator, Chandernagor, Nazca, ...


Parce que le monde sera toujours trop vaste et le temps trop court...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire