Nos pérégrination nous conduisent dans les bras de la petite
côté. L'ultra touristique Saly a accueilli le club Med, les Bronzés, les Seins
Nus et autres fêtards de tous poils. À priori, elle avait peu de chances de
nous trouver là. Pourtant, c'est dans une ferme établie de longue date que nous
posons nos bagages. En bord de plage, les cases d'antan ont laissé place à une
superbe résidence aux murs rouges, encerclant une piscine démesurée. Nos envies
de luxe se concrétisent. On remise pour deux nuits le costume du routard
poussiéreux pour enfiler le maillot de bain et la serviette de table. Fini le
Tieboudienne, nous te découvrons les joies de la gastronomie locale, mariant
savamment saveurs francophiles et produits locaux. Après avoir langoureusement
profité alternativement de la mer et de l'océan, nos estomacs savourent un
repas d'huîtres. Fraîches puis gratinées, les huitres de palétuvier offrent un
goût différent de celles que nous consommons habituellement.
Après avoir nourri le corps, il est temps de satisfaire notre curiosité. Nous prenons la direction de Mbour, où se tient l'un des plus grands marché aux poissons du Sénégal.
Nous longeons la plage de Saly. Force est de constater que
l'érosion côtière à fait des ravages. Vingt années durant, calèches et camions
sont venus piller le sable de la côte, provoquant irrémédiablement l'avancée de
la mer. Aujourd'hui, la plage a triste mine. Elle s'étire sur un fin bandeau de
sable d'à peine vingt mètres de largeur. Partout, des déchets divers viennent souiller
le sable blanc.
Nous sommes contraintes de slalomer entre les têtes de
poissons, les tongues esseulées et les bouteilles éventrées. Le spectacle de la
décadence d'une génération élevée au plastique. Plus loin, la charogne d'une
chèvre gonflée au soleil laisse présager d'une putréfaction avancée. Les
entrailles quittent la carcasse dans une viscosité purulente. Je ravale un haut
me cœur et me concentre sur les vagues qui courent vers mes pieds.
Nous arrivons auprès d'un banc de pirogues colorées. "Sunu
Gaal" signifie "notre pirogue", qui dérivera vers Sénégal pour
donner son nom au pays. Il y a les petites pirogues, parties en mer pour la
journée. D'autres, plus grosses, permettent de naviguer jusqu'aux côtes
gambienne, riches en poisson. Ce sont ces mêmes pirogues, surpeuplées, qui
prennent bravent l'océan pour atteindre l'Europe et ses chimères.
Bientôt M'Bour. La plage est de plus en plus réduite. Nous
slalomons entre les embarcations et les détritus. Enfin, nous arrivons au
marché aux poissons. L'animation n'est pas au zénith en cette fin d'après-midi.
Les pêcheurs ne sont pas encore rentrés au port. Déjà les femmes s'affairent.
Le défilé des boubous colorés, des foulards assortis, des bassines portées haut
sur le crâne. Le spectacle est dépaysant à souhait. Par terre, les vendeuses
écoulent leur marchandise. Point de balance, mais des " tas" de 3 ou
4 pièces. Maquereaux, barracudas, lotte, poisson chat, thon... Les pièces
luisantes sont offertes au regard des badauds. À quelques encablures, la criée.
Nous arrivons au marché aux coquillages. Les escargots de
mer sont ôtés de leurs coquilles, qui s'amassent en une montagne de brisures
rouges.
Au sol, des milliards d'asticots grouillants gesticulent
anarchiquement. Mon cœur se soulève. J'ai depuis longtemps dépassé mon seuil de
tolérance. Tout me révulse. Les détritus, les centaines de mouches, les
poissons qui attendent en plein soleil, les effluves nauséabondes du poisson
qui se raffermi au soleil. Nous rebroussons chemin. Sous un apparent bordel, la
situation est incroyablement organisée. Une zone pour chaque type de pêche.
Plus loin de trouve la zone de conditionnement et d'expédition. Ici gisent de
vieux frigos venus d'Europe, naufragés et recyclés pour une dixième vie ici.
Là-bas se trouvent les poissons pourris, présentés sous forme de montagne de
chaire en décomposition. Ils trouveront tous acheteurs.
Je me refuse à avancer d'un seul pas supplémentaire. On
tourne les talons. En route pour les taxis. Bientôt les étals de légumes. Ce
sont ceux qui accompagnent le Tieboudienne, plat national sénégalais. Autrement
traduit par riz au poisson, il s'agit d'un riz pilaf accompagné de légumes et
bien sûr, de poisson. Celui-ci est parfumé d'un mélange de persil et de piment.
Choux, patate douce, carottes et aubergines accompagnent l'ensemble. À ce
moment, je n'ose même plus penser aux derniers moments traversés.
Arrivées à l'hôtel, je me douche sans tarder pour évacuer
les traces de cette virée nauséabonde.
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