samedi 2 janvier 2016

[Chapitre 13] Ci-gît près des flots

Nos pérégrination nous conduisent dans les bras de la petite côté. L'ultra touristique Saly a accueilli le club Med, les Bronzés, les Seins Nus et autres fêtards de tous poils. À priori, elle avait peu de chances de nous trouver là. Pourtant, c'est dans une ferme établie de longue date que nous posons nos bagages. En bord de plage, les cases d'antan ont laissé place à une superbe résidence aux murs rouges, encerclant une piscine démesurée. Nos envies de luxe se concrétisent. On remise pour deux nuits le costume du routard poussiéreux pour enfiler le maillot de bain et la serviette de table. Fini le Tieboudienne, nous te découvrons les joies de la gastronomie locale, mariant savamment saveurs francophiles et produits locaux. Après avoir langoureusement profité alternativement de la mer et de l'océan, nos estomacs savourent un repas d'huîtres. Fraîches puis gratinées, les huitres de palétuvier offrent un goût différent de celles que nous consommons habituellement.




Après avoir nourri le corps, il est temps de satisfaire notre curiosité. Nous prenons la direction de Mbour, où se tient l'un des plus grands marché aux poissons du Sénégal.
Nous longeons la plage de Saly. Force est de constater que l'érosion côtière à fait des ravages. Vingt années durant, calèches et camions sont venus piller le sable de la côte, provoquant irrémédiablement l'avancée de la mer. Aujourd'hui, la plage a triste mine. Elle s'étire sur un fin bandeau de sable d'à peine vingt mètres de largeur. Partout, des déchets divers viennent souiller le sable blanc.
Nous sommes contraintes de slalomer entre les têtes de poissons, les tongues esseulées et les bouteilles éventrées. Le spectacle de la décadence d'une génération élevée au plastique. Plus loin, la charogne d'une chèvre gonflée au soleil laisse présager d'une putréfaction avancée. Les entrailles quittent la carcasse dans une viscosité purulente. Je ravale un haut me cœur et me concentre sur les vagues qui courent vers mes pieds.
Nous arrivons auprès d'un banc de pirogues colorées. "Sunu Gaal" signifie "notre pirogue", qui dérivera vers Sénégal pour donner son nom au pays. Il y a les petites pirogues, parties en mer pour la journée. D'autres, plus grosses, permettent de naviguer jusqu'aux côtes gambienne, riches en poisson. Ce sont ces mêmes pirogues, surpeuplées, qui prennent bravent l'océan pour atteindre l'Europe et ses chimères.

Bientôt M'Bour. La plage est de plus en plus réduite. Nous slalomons entre les embarcations et les détritus. Enfin, nous arrivons au marché aux poissons. L'animation n'est pas au zénith en cette fin d'après-midi. Les pêcheurs ne sont pas encore rentrés au port. Déjà les femmes s'affairent. Le défilé des boubous colorés, des foulards assortis, des bassines portées haut sur le crâne. Le spectacle est dépaysant à souhait. Par terre, les vendeuses écoulent leur marchandise. Point de balance, mais des " tas" de 3 ou 4 pièces. Maquereaux, barracudas, lotte, poisson chat, thon... Les pièces luisantes sont offertes au regard des badauds. À quelques encablures, la criée.
Nous arrivons au marché aux coquillages. Les escargots de mer sont ôtés de leurs coquilles, qui s'amassent en une montagne de brisures rouges.
Au sol, des milliards d'asticots grouillants gesticulent anarchiquement. Mon cœur se soulève. J'ai depuis longtemps dépassé mon seuil de tolérance. Tout me révulse. Les détritus, les centaines de mouches, les poissons qui attendent en plein soleil, les effluves nauséabondes du poisson qui se raffermi au soleil. Nous rebroussons chemin. Sous un apparent bordel, la situation est incroyablement organisée. Une zone pour chaque type de pêche. Plus loin de trouve la zone de conditionnement et d'expédition. Ici gisent de vieux frigos venus d'Europe, naufragés et recyclés pour une dixième vie ici. Là-bas se trouvent les poissons pourris, présentés sous forme de montagne de chaire en décomposition. Ils trouveront tous acheteurs.

Je me refuse à avancer d'un seul pas supplémentaire. On tourne les talons. En route pour les taxis. Bientôt les étals de légumes. Ce sont ceux qui accompagnent le Tieboudienne, plat national sénégalais. Autrement traduit par riz au poisson, il s'agit d'un riz pilaf accompagné de légumes et bien sûr, de poisson. Celui-ci est parfumé d'un mélange de persil et de piment. Choux, patate douce, carottes et aubergines accompagnent l'ensemble. À ce moment, je n'ose même plus penser aux derniers moments traversés.

Arrivées à l'hôtel, je me douche sans tarder pour évacuer les traces de cette virée nauséabonde.

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