samedi 2 janvier 2016

[Chapitre 5] Si les murs pouvaient parler, ils crieraient leur douleur

Ils sont peut-être 200, à attendre le prochain voilier en provenance de France. Ils ont perdu tout ce qui donne condition humaine : marqués au fer rouge, renommés, catégorisés. "Celui-là, que tu vois là-bas, il fait moins de 60kg. Il a rejoint la cellule des inaptes.
Elle, ici? Tu sens la fermeté de ses seins? C'est comme cela qu'on reconnait une vierge, elle représente une grande valeur". Il y a aussi une cellule pour les non-vierges, pour les enfants ou encore pour les indisciplinés. Ils s'entassent à 15 ou 20 dans une cellule de 2,6×2,6 mètres carrés.
"La semaine passée, trois d'entre eux ont été malades. On ne peut pas risquer une épidémie. Nous les avons lestés et jeté par la grève". Dehors, les requins se sont disputés leurs chaires.

Les esclaves convergent de toute l'Afrique de l'ouest vers les comptoirs commerciaux. C'est l'heure de gloire des cités telles que Gorée, Saint Louis au Sénégal, d'autres au Dahomey (actuel Bénin) et tout au long de la côté atlantique. Ils ont été cueillis, ou plutôt arrachés jusque loin dans les régions, souvent le long des fleuves, qui constituent les principaux axes de communication.
Nous sommes peut-être en 1615, peu ou prou. Le voilier qui s'avance portera la marchandise jusqu'à la Nouvelle Orléans, en Guadeloupe ou en Haïti. Par la porte du voyage sans retour, ils quitteront l'Afrique, pour un avenir qu'ils ne soupçonnent pas.
Le commerce triangulaire bat son plein. Par le miroir d'une autre époque, on y verrait que les horreurs succèdent aux humiliations, que les puissants renforcent leur pouvoir par l'exploitation des plus faibles...




Il faudra plus de deux cent ans pour que le monde réalise enfin l'horreur de la traite négrière. En 1848, l'esclavage est aboli. D'après les historiens, il y aurait eu entre 12 millions de déportés à travers le monde, et plus de 100 millions de morts car seuls les esclaves plus vaillants furent sélectionnés pour prendre la mer. Gorée, dernière étape avant le large.
En se promenant dans les rues de la cité insulaire, les traces du passés semblent à peine estompées. Si les murs pouvaient parler, ils crieraient leur douleur. Ils exprimeraient combien l'homme peut être cruel. Mais ils souffleraient aussi un vent d'espoir et de solidarité, pour que tous apprenions de nos erreurs passées.

L'île de Gorée à été classée au Patrimoine Mondiale de l'UNESCO en 1978. Les historiens s'accordent à dire que cette cité n'a pas été la plus active dans le triste épisode de la traite négrière. Néanmoins, les riches vestiges architecturaux hérités du passé colonial offre une vitrine intéressante de l'époque. Elle incarne, par les trésors historiques qu'elle retient, le visage de la traite négrière.




Pour la visiteuse que j'incarne, en ce samedi de septembre, Gorée représente une escale paisible et charmante, loin du tumulte de la vie Dakaroise. Les heurs murs offrent un coin d'ombre agréable, combiné à l'air marin qui rend l'atmosphère plus respirable. Ma découverte du pays commence à peine. Mercredi soir, Aurélie me rejoindre pour poursuivre un petit bout d'escapade à travers le pays...

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