mercredi 3 juin 2015

[Bonus] Expressions de voyage

Pour clore ce carnet de route, je vous propose un petit florilège de nos meilleures expressions de voyage.
Péle-méle...
- "Attention les gars, je parle tres bien le canard Farsi" a propos des canards qui refusaient d'obtempérer (le Farsi désignant la langue perse)
- "Chacun chez soi et le lavash sera bien gardé" (le lavash désigne le pain local)
- "Tu as du vent dans les voiles ma petite Justine" pour dire que le foulard se fait la malle
- "Remarque, le voile c'est pas si mal : s'il fait chaud tu baisses le store!
- "Allez, on remballe le paquet cadeau" pour dire qu'on se rhabille avant de quitter la chambre d'hôtel
- A propos de la medersa (école coranique) de la mère du Shah... " la mère du Chat? Miaou! C'est la mère Michel qui a perdu son chat..."
- "Tenue capillo-halal" pour s'assurer que les cheveux sont suffisamment couverts
- "On n'a pas gardé les cochons ensemble! Enfin, quand je parle de cochons je me comprends hein!" après m'être fait pincer les fesses par un iranien dans les rues de Shiraz.

[Chapitre 24] Joyeux tandem

Partir en Iran, c'est faire le choix d'un Voyage. C'est avant tout une aventure humaine et culturelle incroyable. La confrontation des cultures, le choc des mœurs, la nécessaire ouverture d'esprit et l'impétueux besoin de prendre son temps.

Les étrangers que nous avons rencontrés rentrent dans deux catégories, si éloignées l'une de l'autre. Il y a d'abord les touristes en voyages organisés. Ils débarquent en gros troupeaux, sont retraités, sont allemands, italiens ou français. Ils courent après le temps, absorbent les visites, gobent le patrimoine et engloutissent les sites UNESCO. Ils ne sauteraient pour rien au monde la pause déjeuner. Alors, oui, je généralise sûrement trop hâtivement. Mais les touristes que nous avons rencontré bondissaient malheureusement à deux pieds dans cette généralité.
Et puis il y a les Voyageurs. En solo ou en duo. A moto, à vélo ou en Lada. De Belgique ou des Pays Bas, ils traversent les routes de la Soie, s'aventurent sur les traces de Marco Polo ou sur le chemin de leurs rêves. Ils ont tous une histoire, une raison d'être là. Ils ne font pas du tourisme, ils ne visitent pas. Ils Voyagent. Nous partageons cette idée farfelue, cette envie inqualifiable de fouler une terre méconnue, souvent rejetée. Nous avons tous fait face à l'inquiétude de notre entourage, aux questionnements et aux regards ahuris, à l'incompréhension parfois. Et nous sommes là, ensemble, à discuter, à échanger. A s'ouvrir sur le monde. A s'ouvrir sur nous-mêmes. Certains sont au terminus de leur voyage, d'autres iront jusqu'en Chine. Ils partent pour deux semaines, deux mois ou deux ans. Voyageurs intrépides, patients, passionnés... Ils se disent qu'ils reviendront un jour. Je reviendrais, c'est sûr.

De notre duo, parlons-en. Difficile de conclure ce carnet de voyage sans parler du tandem de crapahuteuses formé avec Justine. Pour voyager à deux, il faut les mêmes intérêts et le même rythme. Ajoutons-y une dose de bonne humeur et un soupçon d'insouciance.
Du détachement en toutes circonstances, c'est peut être la clef de notre tandem. Comme lorsque nous n'avions pas de nouvelle de notre hôte de Shiraz et que le taxi nous avait benné on ne sait où dans la ville. Il était 21 heures passées et nous n'avions nulle part ailleurs où dormir. Un énorme fou rire plus tard, on reprenait les rennes de notre voyage. 

Ce voyage s'orientait avant tout vers la découverte de l'Autre. Il fallait donc que chacune d'entre nous accèple ce rythme, nécessairement plus lent qu'a l'accoutumée. Par moment, la nonchalance de nos hôtes a conduit nos nerfs à rude épreuve, mais par intermittence. Il y en avait toujours une pour rattraper l'autre!
Mention spéciale pour ma camarade de bordée, qui a su apprivoiser le Farsi plus vite que l'éclair ! Et si un seul mot devait résumer ce tandem, ce serait sans aucun doute RIRES! 

Il est maintenant temps de clore ce carnet de route. Rendez vous est pris avec Justine, en août prochain. Destination Kazakhstan et Tadjikistan. Vous nous suivez?
A bientôt, ici ou ailleurs...

[Chapitre 23] Pour ceux qui voudraient tenter l'aventure...

Pour celles et ceux qui seraient tentés l'aventure iranienne, voici quelques infos pratiques.

Budget total : 500€/personne pour 13 jours, soit 38€/je (visas, souvenirs, transport, hébergement... Inclus) - hors vol A/R Paris et assurance rapatriement
- Vol A/R Paris>Téhéran : 347€ avec Turkish Airlines.
Trajet possible également sur Pegasus Airlines (low cost turque de très bonne facture) a partir de 275€. Iran Air propose des vols directs également

- Visa a l'arrivée: 60E/personne. Validité de 15jrs. Se munir d'une attestation d'assurance, de 2 photos d'identité et d'une confirmation de réservation d'hôtel, même si rien de tout cela ne nous a été demandé. Au delà, visa a faire à l'ambassade iranienne a Paris. 
- Assurance rapatriement : 50-80€ pour 15 jours. En effet, l'Iran ne fait généralement pas partie des couvertures classiques. Quant on sait ce que peut coûter un rapatriement, mieux vaut anticiper...
- Pensez que l'Iran est sur une zone sismique active. Après le triste épisode népalais, nous avons déclaré notre itinéraire sur Ariane (site du ministère des affaires étrangères)
- Taux de change : 1€=38000 rials. Les taux sont meilleurs à Teheran que dans le reste du pays (la loi de l'offre et de la demande...)
- Du wifi dans tous les hôtels et maisons dans lesquels les nous avons séjourné. Et gratuit ma p'tite Dame!
- Achat d'une carte sim locale sur place: très recommandé, d'autant plus que les rencontres sont faciles (et les communications a l'étranger onéreuses). Par contre c'est le parcours du combattant. Mieux vaut se faire aider par un local. Prix d'achat : 300 000 rials
- Guide voyage: nous sommes parties avec le guide "Découvertes de l'Iran", assez complet pour les descriptions historiques mais peu hôtels/resto. Le Lonely Planet propose une édition en anglais consacrée à l'Iran.

Quelques notions de prix :
- Bouteille d'eau: 10 000 rials
- Entrée dans les monuments : 150 000 rials/pers
- Pain : 10 000 rials
- Resto a deux, eau et thé compris : moins de 300 000 rials
- Bus Isfahan-Shiraz: 300 000 rials (6h de route)
- Vol Shiraz-Isfahan: 40USD/pers, acheté 5jours avant. Possible également de le faire en bus de nuit (13h) ou en train de nuit
- Assiette en émaux d'Isfahan: 25USD pour un modèle réalisé par un étudiant, 30USD pour celui d'une Master
- Chello Kebab : 150 000 Rials, dans le bazar de Téhéran (Restaurant Mauslem, une pointure en la matière!)

- Taxi centre-ville / aéroport de Téhéran : 650 000 rials

Attention : tous les prix sont exprimés en tomans, avec 1 Toman = 10 rials. Il faut donc tout multiplié par 10. Dès lors on parle en toman, on paie en rials et on pense en euros. Gare à bien aiguiser son cerveau à cette gymnastique!

Petit point d'attention, loin d'être anecdotique : il est absolument impossible de retirer de l'argent sur place. Le système bancaire international est bloqué en Iran. Il faut donc, d'une part, penser a retirer la somme nécessaire avant de partir. D'autre part, il faut la maintenir en lieu sur. Le dicton à coutume de rappeler de ne pas mettre tous ces oeufs dans le même panier. Petite astuce bien féminine : nous disposons d'une cachette secrète! Les billets viennent soigneusement rembourser notre décolleté, avec un effet ampliforme certain ! L'autre solution consiste a emporter une banane ou une petite poche discrète. A vous de voir!

Les hôtels dans lesquels nous avons séjourné :
- Kashan : Couchsurfing
- Ispahan: Malek Hôtel, Malek Street. 65USD/nuit, petit déjeuner compris. Dernière nuit en couchsurfing
- Shiraz: nuit 1 en couchsurfing, nuits 2 et 3 a l'hôtel Avadi. 900 000 rials/nuit. Basique. On recommande le Nyaesh Boutique Hôtel, plein de charme et bon resto. A réserver impérativement a l'avance. Dernière nuit va l'aéroport (plus de budget)
- Téhéran. A notre arrivée, Golestan Hôtel (50€). Réservé depuis Paris et assurant le transfert depuis l'aéroport (23E).
Dernière nuit au Firouzeh Hotel, 1 150 000/nuit avec salle de bain
- Excursion pour Persepolis depuis Shiraz: 1 200 000rials, proposé par l'hôtel. Nous n'avons pas cherché moins cher ailleurs.


Concernant la tenue vestimentaire :
- Hommes : pas de restriction particulière. Évitez seulement shorts et Marcels!
- Femmes : tunique descendant en dessous les fesses, manches trois quart, pantalon ou jupe longue. Jupe toute taille  acceptée avec collants opaques. La bonne astuce consiste a avoir une chemise longue ou une veste légère a la longueur réglementaire et de se vêtir en dessous d'un débardeur ou autre.
Foulard obligatoire sur la tête. On parle bien d'un foulard et non d'un voile integral! 
J'en connais une qui avait sous-estimé la longueur réglementaire des tuniques. J'ai donc fait le séjour partagée entre mon gilet noir et mon manteau... Il était tant qu'on rentre!


Période a privilégier : mars à mai puis octobre-novembre.
Éviter impérativement le ramadan : toutes les boutiques et restaurants sont fermes et il est interdit de manger/boire dans les rues


Pour toute autre information n'hésitez pas a nous contacter. Nous serons ravies de partager nous rencontres, tuyaux et bons plans avec vous!

[Chapitre 22] Sorry for you...

Nous rencontrons Maila a Téhéran, un peu perdues dans cette ville tentaculaire et polluée. Elle nous conduit jusqu'au Gollestan Palace, somptueux sous ces sept pavillons finement décorés. Elle est graphique designer dans une entreprise industrielle. Elle rêve d'ailleurs. "Je veux quitter ce pays pour ne plus porter le voile". Elle est souriante, sous son foulard noire et sa runique brodée a fleurs. Elle porte un petit nez refait, comme tant l'iraniennes, et un diamant factice sur l'une des dents. Elle nous conduit jusqu'au bon port. Une petite photo en souvenir et elle disparait comme elle était apparue.

Rencontre avec Zahra, pour notre dernière soirée iranienne. Elle travaille pour Bouygues Iran. Nous avons été mises en contact par Emmanuel, mon ancien directeur. Elle nous retrouve a l'hôtel avant de partir dîner. La soirée est merveilleuse. Dîner succulent et musique traditionnelle entrainante. Fin de soirée, le propriétaire vient s'assurer que tout se passe pour le mieux. Il  demande si nous passons un bon moment dans son établissement. Il nous fait savoir qu'il espère que ce n'est pas trop dur pour nous de porte le hidjab (foulard islamique). Il souhaite qu'un jour son restaurant soit libre pour nous de venir tête découverte. 
Zahra peste contre cette contrainte et le manque de liberté de son peuple. Pas de boite de nuit, de lieu de rencontre pour les hommes et les femmes. Pas de légèreté dans ce monde sous contrôle. Elle a eu un petit ami italien, qui l'a  laissé choir sans raison. Elle idéalisé les couples européens, fidèles et honnêtes l'un envers l'autre. Elle n'a pas compris sa réaction.... Si elle pouvait comprendre que les hommes ne sont ni pires ni meilleurs ailleurs. Nous lui souhaitons liberté et bonheur pour elle et le peuple iranien, tout en conservant leur hospitalité et leur ouverture sur les Autres.
Le temps suspens son cours sur fond de musique iranienne. Dernière soirée. Retour a l'hôtel. Il nous reste deux heures de sommeil avant de prendre le taxi pour l'aéroport.


1:30. Tintamarre nocturne. Violents coups sur une porte. Le bruit vient de loin. Il semble raisonner dans les cloisons. Je mets du temps à l'entendre. Je pense qu'il s'agit d'un voyageur peu prévoyant qui a oublié de réserver et se trouve enfermé dehors en pleine nuit. Les saccades semblent faire trembler l'immeuble tout entier. Soudain quelqu'un frappe à notre porte. C'est Xavier, le belge qui sillonne les routes de la Soie en 4*4 Niva. Il est avec Monsieur Ali, le propriétaire. Guillaume, le français avec qui nous avons passé la soirée est enfermé dans sa salle de bain et tambourine depuis près d'une heure et demi pour qu'on vienne l'en sortir. Monsieur Ali passe par notre fenêtre pour essayer d'atteindre celle de notre voisin. Nous voilà en pyjama, Justine et moi, dans le couloir, avec Ali et Xavier. Deux semaines d'efforts à se voiler à la moindre sortie, tant d'efforts mis a mal en quelques minutes. On est loin de la loi islamique...

Enfin Guillaume est libéré. Il est nu comme un vers derrière l'encablure de la porte, honteux et confus de tant de tapage. Il a sûrement réveillé tout l'hôtel. On continue a bavarder, toujours en pyjama, dans le couloir. Pas très Halal tout ça!


La loi islamique,c'est une chose. Sa mise en oeuvre en est une autre. Au pays du puritanisme d'affichage, le respect des règles n'est pas sans faille. Nous ne nous attendions pas vraiment à nous faire mettre la main aux fesses par des iraniens sans scrupules. J'en connais un qui se rappellera longtemps, j'espère, que ce genre de chose ne se fait pas. La réprimande que je lui ai fait était a la hauteur de ma surprise !

Bientôt l'heure de prendre l'avion. Il nous reste 45 minutes de sommeil... Le retour va être compliqué !

[Chapitre 21] Palais Qadjar et céramiques florales

Dimanche 17 mai, dernière journée a Shiraz. Les voyageurs en repartent conquis, il y a forcément une raison. Nous avons une pleine journée a consacrer à la découverte de la ville.

Nous tombons presque par hasard sur la mosquée Vakil et le bazar du même nom. La mosquée est caractéristique du style Qadjar et de l'école de Shiraz. Les mosaïques bleues d'Isfahan ont laissé place a des arabesques florales aux motifs roses et verts. Le tourbillon des bouquets et des volutes séduit par sa douceur.
Après une courte virée dans le bazar, nous tombons presque par hasard sur le mausolée de Shah-e-Cheragh , mot a mot "Roi et lumière". Nous sommes prises en charge par une guide des "foreign affaires". Il faut dire que nous ne passons pas inaperçu avec nos tchadors aux couleurs de muréne! Les deux siamoises blondes se fondent difficilement dans le paysage. Nous sommes dans le troisième lieu saint du pays, derrière Mashad et Qom. Nous craignions un temps l'endoctrinement et le montage de bobichon. Rien. Juste des explications. Son approche de la religion est placide, universelle. Nous restons une longue heure a visiter ce lieu qui ne cesse de s'agrandir au fil des donations. Intéressante immersion.


Nous attendons patiemment, a l'ombre, que s'ouvre la mosquée Nasir-Al-Mok. Un bus de touriste vomit son groupe de retraités français. Impatients, désagréables, hautains... " c'est pas encore ouvert? Et voilà, déjà 20minutes de perdues" "Bon, on y va?" "Faut se méfier avec eux, on sait jamais". Pauvre France...
J'aurais pu rester des heures a contempler les murs et plafonds de cette mosquée, au zénith de l'art de la céramique. Voilà donc la belle Shiraz, ses trésors démasqués. Roses, verts et jaunes s'entrelacent autour d'un bassin rafraichissant.

Poursuivant notre découverte de la ville, nous entrons dans le palais de l'orangerie Bagh-e-Narajestan. A l'écoute de notre budget, toujours aussi serré, nous aurions pu manquer, de peu, ce palais Qadjar... S'eut été une erreur!


En cette fin d'après midi, il nous reste de nombreuses heures a tuer. Nous prenons un vol pour Téhéran a 4:00 du matin. Pour des raisons purement économiques, nous n'avons pas pris de chambre d'hôtel. Nous espérons laisser glisser la soirée le plus longtemps possible et somnoler dans le lobby de l'hôtel.
Nous prenons un verre de jus de carotte accompagné d'une glace (dans le même verre!) a l'ombre de la citadelle. Nous poursuivons par un thé dans un palais du XIXeme siècle. Nous sommes bien tentées de poursuivre par un dîner, mais un œil sur les prix nous fait faire demi-tour.


Nous faisons route vers le Nyaesh Boutique Hôtel, où nous avons déjà dîner la veille. Encore de belles rencontres. Nous discutons avec un allemand venu de Munich a moto, a travers les balkans et la Turquie. Il y a également une hollandaise venue passer trois semaines, seule, au pays des Ayatollah. Quand on vous dit que notre tandem de blondinettes n'est pas si incroyable!

23:00, retour a l'hôtel où nous avons laissé nos bagages. Nous y trouvons une douche chaude et une connection internet. Le réceptionniste est aux petits soins avec nous. Nous voilà propres et changées. J'ai enfilé une tenue "confort", composée d'une tunique ample blanche et d'un pantalon bouffant zébré. Tout ce qu'il y a de plus saillant, vous en conviendrez. Mais à l'approche d'une nuit blanche partagée entre le canapé du hall de l'hôtel, la salle des pas perdus de l'aéroport et l'avion, la mode saura se faire discrète. Je descends les escaliers. Le réceptionniste me glisse : "Beautifull. Before, no beautiful. Now you big. Beautiful. Arabic people like women like you. I am arabic, from the Gulf". Fou rire. Je suis habillée comme un sac, je ne ressemble a rien et je fais sensation. Le réceptionniste regarde Justine : " You, Medium, OK". Justine et moi en rions encore... Merci Maman de m'avoir prêté ta petite tunique blanche, elle fait un tabac!

2:15, réveil fébrile. La nuit en pointillé ne fait que commencer...

[Chapitre 20] - Le sommeil de Shiraz

20:15. Après 6 heures de bus a travers le désert, Shiraz apparaît telle une oasis. A son approche, les paysages deviennent plus verdoyants. Les montagnes se parent d'un tapis herbeux.

Nous avons rendez vous avec Amene, une enseignante d'anglais rencontrée sur Couchsurfing. Elle semble un peu tête en l'air. La veille, dans l'impossibilité de la contacter, nous avions mis une option sur des lits en dortoirs "just in case". Finalement, nous réussissons a la contacter et elle nous transmet son adresse en farsi et en anglais. Confiantes,  nous sautons dans un taxi. Le chauffeur fou slalome dans des ruelles trop étroites et manque d'enplafonner un autre véhicule. Il cesse sa course folle. A priori nous sommes arrivées. Il nous indique une rue. Justine est sceptique. Selon elle, le type ne sait pas où on veut aller et il nous banane. Impossible de joindre notre hôte, son portable est éteint... Nous allons boire un verre dans un coffee shop. L'heure tourne... Toujours pas de nouvelle. On se fixe un ultimatum : si a 21:15 toujours pas de nouvelle, on cherche un hôtel. Fou rire : nous n'avons aucune idée d'où nous sommes , les rues sont indiquées en farsi et nous n'avons nulle part où dormir. Tout va bien.
Enfin le téléphone sonne. Après quelques explications, nous sautons dans un taxi pour notre troisième foyer iranien.

Notre hôte est sympa, mais elle plane a mille lieux. Comme dit Justine " cette fois faut qu'on mette une hélice, va falloir arrêter de se laisser porter sinon on ne va jamais visiter la ville".
Nous menons donc les troupes tambour battant pour un réveil a 8:30.


Amene et sa collègue vont nous conduire a la forteresse Arg-e-Karim Khan. Elle a tout d'une château de sable qui serait rattrapé par la marée, a l'heure où l'eau fait s'affesser les tours défensives.
Nous partons ensuite a la rencontre d'Hafez, célèbre poète persan. Ses écrits font le lien spirituel entre les hommes et Dieu. Il a beaucoup écrit sur l'amour, parfois dans un ton assez osé, avant de chanter sa spiritualité dans ses vers. Son mausolée est l'un des plus fréquentés de Shiraz, peut être même d'Iran. Les iraniens lui vouent un respect sans égal.
Nous continuons a sillonner la ville avec notre hôte, avant de retourner siestouiller a l'hôtel.


Lendemain matin, 7:00. Nous sautons dans un taxi direction Persepolis. Plongée dans l'univers des Achéménides. Nous voilà propulsées plus de deux mille ans en arrière, vers 518 avant notre ère. Darius 1er entreprend alors la construction d'une nouvelle capitale, destinée a célébrer les fêtes de Noruz (printemps). 
En janvier de l'an 330, Alexandre le Grand entre a Persepolis qui se rend sans opposer de résistance. Malgré les pillages, les bâtiments restent intacts. Le complexe est gigantesque et impressionne par son état de conservation. Nous balayons les bas reliefs, qui racontent le passé glorieux d'une époque faste riche en échanges culturels et commerciaux. Assyriens avec leurs buffles et meurs lances, babyloniens avec taureaux, pièces de tissus et coupe ou encore indiens avec leurs vases et leurs paniers. On pourrait y ajouter les éthiopiens et leur girafe, les bactériens et leur chameau... La matinée s'achève devant les tombeaux des rois achéménides, perces dans la montagne.


De retour a Shiraz. La ville est polluée et peu engageante. Nous ne sommes pas séduites. La fatigue du séjour nous tombe dessus. Nous succombons dans les bras de Morphée. L'après midi et la soirée sont consacrées au rattrapage du sommeil qui nous manque depuis notre départ. Après midi "grosses larves" jusqu'à près de 18:00. De toute façon c'est jour férié et tout est fermé. Sans regret.

[Chapitre 19] "Welcome in Iran"

"Welcome in Iran", c'est probablement la phrase que nous avons le plus entendu durant notre séjour. A chaque coin de rue, dans les échoppes, dans les lieux touristiques... Un petit " Hello" pour les plus timides, doublé le plus souvent d'un petit mot de bienvenue.

Tout au long de notre escapade, nous avons été noyées de présents. Rapide aperçu des gentilles attentions a notre égard :
- Un Coran, dans le métro de Téhéran. Une étudiante en théologie avec qui nous discutons nous offre son Livre, dans le souhait que nous connaissions mieux sa culture
- En plein désert de Maranjab, au pied du Caravansérail, des anciens combattants nous ont offert 4 de leurs cheich, en réponse aux sourires que nous leur avions échangé
- A toute heure,des victuailles pour ne pas laisser le voyageur dépérir : fruits, biscuits, boissons... De la part des familles qui nous ont hébergé ou de parfaits inconnus avec lesquels nous avons discuté
- Du pain, à deux reprises, dans des boulangeries. Nos quelques mots de farsi font un effet boeuf!
- De l'eau de rose et pétales de rose chez Massoumé et Ali, à Kashan
- Un papier de voeux, tiré par une perruche au pied du mosolée de Hafez (célèbre poète persan) à Shiraz. Fait du hasard, il souhaitait bon voyage à celui qui vient de loin,
- Une course en taxi à Shiraz (contre un numéro de téléphone de Justine!)
- Les innombrables thés qui nous ont été offerts tout au long du voyage
- Une adorable carte postale rédigée par Elaheh et Payam ainsi qu'un pliage en origami réalisé par ce dernier


Partout et tout le temps, des sourires et des coordonnées téléphoniques, en cas de problème ou pour garder contact.

[Chapitre 18] Épopées culinaires

Dans les familles, généralement tout va bien. C'est lorsque nous œuvrons par nous même que les situations prennent un tour pas systématiquement sous contrôle !

Les petits plus de nos découvertes: 
- Galettes de pommes de terre : recette simple et goûteuse, a récidiver pour les petits apéros a la maison
- La glace au safran, a Kashan et Ispahan. 
- L'eau de rose, partout et tout le temps du cote de Shiraz: en glace, dans les gaz (sorte de nougat) mais aussi dans la sauce salade ou le tatziki. C'est bon, mais point trop n'en faut !
- Les Kebabs en tous genres


Il y a aussi les déconvenues et autres découvertes surprenantes : 
- Lait fermenté, eau gazeuse et menthe : Justine, va falloir jouer les bonnes copines! Décidément les boissons a base de laitage ça ne passe pas...
- A Isfahan, un dessert au bœuf et au safran. Surprenant mais plutôt bon
- Glace à l'amidon de pomme de terre et au sucre, sous forme de petits serpentins, dont raffolent les iraniens. Nous moins, ça manque de saveur...
- Bière sans alcool aromatisée au citron, existe aussi a la fraise!
- Jus de raisin pétillant (rouge ou blanc à la pêche)
- Fruits mangés verts : abricots et prunes. Quelle drôle d'idée, on ne comprend toujours pas l'intérêt !
- Jus de carotte et glace au safran, déposés ensemble dans le même verre. Intéressant.


Quelques découvertes conduites par nous mêmes, avec un succès tout relatif : 
- Grignotage dans le bus. Nous avons eu le droit à un panier repas. Il contient ce qui ressemble a de la confiture. Je me lance sans précautions préalables. Loupé, la confiture est... salée! 
- Achat de yaourt pour notre petit déjeuner. Tout semble simple. Trop? Effectivement, le yaourt est a l'ail. Pas top au réveil! Récidive l'après midi. Cette fois les yaourts sont à l'Aloe Véra: il y a toujours un détail qui nous échappe!
- La feta : impossible d'acheter deux fois la même
- Tentative de confiture n°2: cette fois elle est hyper acide. Encore loupé!
- Jus de grenade...décapant!
- Notre pique nique quotidien: pain, tomate, concombre et fromage. Ça suffit, il y en a ras le bol...


Il faudrait aussi faire un zoom sur le riz iranien, léger et parfumé. Je crois que nous avons fait une cure de riz pour les 4 prochaines années...

[Chapitre 17] "Are you a Virgin?"

Questions de mœurs, décalage culturel, différences de perception. Notre voyage vers l'Autre ne cesse de nous surprendre.

Shiraz, jeudi 14 mai. 
Nous sommes accueillies par Amene, rencontrée sur Couchsurfing. Elle est professeur d'anglais, n'a jamais quitté son pays. Elle rêve de venir en France et idéalise Paris. Elle nous reçoit avec son amie et collègue dont nous ne retiendrons pas le prénom. Nous allons passer la soirée et une partie de la journée du lendemain à échanger sur nos visions du monde, de la famille et sur nos modes de vie.
Nous apprendrons qu'elle est fiancée et devrait se marier dans 2 ans. Deux ans auparavant, sa famille lui a présente son cousin. Ils se sont rencontrés une fois puis il a fallu qu'elle se décide. Elle a d'abord refusé, puis elle a réfléchi et a finalement accepté. Il fait son service militaire. Ensuite ils pourront se marier... Elle ne le connait pas vraiment, mais c'est quelqu'un de bien... Je lui ai demandé si elle pouvait refusé, je n'ai pas eu de réponse. En Iran, près de 80% des mariages sont arrangés.
Paradoxalement, les femmes étudient longtemps et il n'est pas rare qu'elles ne soient pas mariées a 30 ans.


Nous avons longuement échanger sur notre conception du mariage et sur l'importance qu'il revêt dans nos deux cultures, sur la place de la religion dans l'Union de deux êtres. Chaque fois, notre vision de la fidélité a été questionnée. Comme si le mariage, ici ou ailleurs, assurait confiance réciproque et intégrité dans le couple. Si c'était seulement vrai! Nous avons lu qu'en Iran, les hommes pouvaient couvrir leurs adultères grâce a un contrat de mariage temporaire, validé par un mollah et autorisé puisque l'islam permet aux hommes de prendre plusieurs épouses.
Les séries télévisées mettent en scène des couples occidentaux infidèles et des histoires de famille rocambolesques. Pas évident d'expliquer que des fictions présentant des familles classiques ne seraient d'aucun intérêt pour les téléspectateurs !


La veille à Ispahan, quelques minutes avant notre départ pour Shiraz, un homme de peut-être soixante ans était venu se joindre a nous. Ancien membre de l'armée de l'air, il parle un anglais impeccable. Nous partageons un morceau de melon et  discutons de mariage et de couple. Il nous dit a quel point c'est important que les femmes soient vierges jusqu'au mariage. "C'est pas comme ça chez vous n'est-ce pas?"
Nous expliquons que dans notre pays, les lois et la religions sont dissociées, que ça relevé donc d'un choix personnel. "And you, are you a Virgin?" demande-t-il en me regardant fixement. J'ouvre des grands yeux. Nous ne nous attendions pas vraiment a cette question. Sans scrupule, j'apporte la réponse sûrement la plus appropriée : cette question ne se pose pas, ce n'est pas correct. Il ne faudrait pas s'imaginer que parce que nous sommes occidentales nous étalons notre vie privée dans un parc public. Le monsieur s'excuse. Changeons de sujet.


" Et que pensez vous de notre gouvernement? ". Autre questions litigieuse, qui impose de marcher sur des œufs. Nous nous baladons dans l'un des nombreux parcs d'Isfahan. Un homme d'un certain âge vient nous questionner sur l'art contemporain en France et le sens de l'art dans l'histoire. Cette discussion de haut vol, presque philosophique, est interrompue par un petit vieux curieux de connaître notre point de vue sur son système politique. Question des plus embarrassantes compte tenu des conséquences possibles d'une réponse trop franche.  Il se fait immédiatement rembarrer sèchement par son compatriote, l'homme d'art. Il lui demande de ne pas embarrasser les touristes avec ces questions la. "Ne parlons pas de politique" comme nous l'ont déjà demandé nos différents interlocuteurs. Bottons en touche, encore une fois. 
Pendant ce temps, Hollande vend des rafales a l'Arabie saoudite, ennemi jure de Téhéran. Nous faisons profil bas...

Retour a Shiraz. Fin de soirée devant la forteresse. Je me suis allongée sur un muret pour rédiger quelques lignes de mon carnet de voyage. Une silhouette barbue, au teint basané, aux vêtements beiges s'arrête auprès de moi. D'un ton sévère, il me demande je ne sais quoi. J'en déduis que je suis priée de me rhabiller et de changer de position. Mon gilet laissait peut être apparaître le haut de mon cou, a moins qu'il ne soit pas toléré de s'allonger dans le parc pour une jeune femme. Cet homme, en civil, fait probablement partie de la police des mœurs. Elle rode dans les parcs et les lieux publics pour s'assurer du respect de la loi islamique.

Elle a bon dos, la loi islamique! Il semble tellement facile de la contourner. On trouve de tout en Iran : alcool, cigarettes, drogues. Sans compter les femmes qui se rachètent une virginité à coup de chirurgie esthétique... Au supermarché, nous discutons avec un jeune iranien. Il a fait des études de langue et était traducteur. Il n'a jamais pu quitter le pays. Pour cela il faut avoir fait son service militaire, ce n'est pas son cas. Je n'arriverais pas à savoir pourquoi . De nombreuses portes se ferment officiellement à lui: mariage, prêt bancaire, autorisation de sortie de territoire. Bien sur, tout s'arrange, sous le manteau. "En Iran tout est interdit, mais rien n'est impossible" nous dit-il. Il a d'ailleurs pu épouser sa femme, par un bais détourné. Pour quitter le pays, c'est plus compliqué car l'ID cart est désormais électronique. Mais on peut quand même s'arranger !

A demi mot, a l'abri des oreilles indiscrètes, les critiques du régime actuel ne sont pas rares. A plusieurs reprises nous avons entendu dire : "Au temps du Shah, on était libre".

[Chapitre 16] - Réflexions métaphysiques sur le port du voile

Jeudi 14 mai. 
Notre bus traverse le désert, d'Ispahan à Shiraz. Le sable succède au sable. De part et d'autre de la route un paysage aride de moyennes montagne, précédé d'une large bande rocailleuse. L'air sec me brûle les yeux. Pour occuper les 6 heures de bus, nous nous lançons dans une analyse presque métaphysique des avantages et inconvénients a porter ce voile qui ne nous quitte presque plus.

Avantages :
- permet de baisser le store quand le soleil éblouit ou en cas de sieste improvisée
- protége des coups de soleil
- avoir de quoi nettoyer ses lunettes a porter de main
- sert de petite maine quand l'air se rafraichit
- fait gagner au moins 5min le matin car dispense de se coiffer
- permet de cacher ses cheveux violets en public
- pour celles qui portent le tchador, permet d'aller chercher le pain en pyjama
- protégé des courants d'air, parfait en avril pour éviter de se découvrir d'un fil!
- essuyer le portable pour retirer les traces de doigts

Inconvénients :
- tombe tout le temps
- tient chaud
- reste coince dans les portières des voitures
- crèpe les cheveux a force de le remonter : ça fait des nœuds!
- donne parfois l'impression d'avoir une serpillière sur la tête
- pénible de devoir remettre le papier cadeau systématiquement en sortant de la chambre d'hôtel

Le bus poursuit sa route. Justine replonge dans la lecture de son guide, moi dans l'écriture de ces récits de voyage. Fin de parenthèse.

[Chapitre 15] ... C'est un peu Pékin Express!

Regard sur les comptes. Nos rials ont fondu comme neige au soleil. Les quelques jours à Ispahan ont sacrément entamé notre budget. L'hôtel que Ghazale, la jeune iranienne rencontrée sur Couchsurfing, nous a réserve est très confortable du haut de ses 65 USD la nuit. Nous avons d'ores et déjà brûlé près de 200 dollars, rien que pour le logement. Ajoutons a cela le vol retour de Shiraz a Téhéran, les visites de sites touristiques, l'achat de superbes faïences d'Ispahan... Un point sur le budget s'impose.

D'autant que nous avons modifié l'itinéraire et que nous avons oublié des jours (et donc des nuits!). A moins de la moitié du séjour, il nous reste moins de 300€ en poche. Justine a bien 100€ de secours au fond d'une poche, mais la situation devient préoccupantes. En un mot : restrictions budgétaires!


Première mesure drastique : changer d'hôtel. Nous demandons a Ghazale si elle connait des adresses a petit budget. Nous sautons dans un taxi en direction de notre nouveau "chez nous". L'hôtel est difficile a trouver. Le taxi nous déposé devant une devanture crasseuse. Personne n'attend a la réception. Un monsieur vient nous aborder en anglais. Nous lui expliquons que notre amie nous a réservé une chambre dans cet hôtel. Il fait l'intermédiaire auprès de celui qui semble être le gérant de l'hôtel. Un grand mince, le regard agard, aussi sale que l'escalier qu'il balaye en diagonale. Il ne daigne pas nous adresser la parole, ni même se tournée vers nous. Notre aide iranien s'interroge sur notre amie iranienne " Vous la connaissez bien?", sous-entendu "comment peut elle vous envoyer dans un taudis pareil?" . il nous dit a voix basse que c'est du "bullshit" ! Il doit retourner travailler, son patron le réclame. Nous rappelons Ghazale pour trouver une autre adresse. 
Nous tournons les talons, mortes de rire face a cette ridicule situation: nous avons quitté un super hôtel a 60$ la nuit pour un taudis que nous fuyons aussitôt. Il est 10:30, nous sommes fauchées et a la rue. Nous n'avons pas d'adresse d'hôtel, nous savons a peine où nous sommes sur la carte...
5 minutes plus tard, le téléphone sonne : Ghazale. Elle nous demande de prendre un taxi jusqu'à chez elle. Nous dormirons sous son toit.


Après l'avoir chaleureusement remercié, nous partons explorer le nord de la ville. Pas de budget, pas de resto. Appréciant les pique nique, c'est tout naturellement que nous cherchons une boulangerie. Avec nos 10 mots de farsi, nous commandons 2 pains, directement cuits devant nous. Au moment de payer, le boulanger nous fait comprendre que c'est cadeau. Incroyable gentillesse... Notre voyage est a mi-chemin entre "j'irai dormir chez vous" et "Pékin Express" !

La veille au soir nous avons été invité a pique niquer avec Payam et Elaheh, un jeune couple iranien rencontré notre premier soir.
Se sont joints a nous deux français, de Marseille. Un peu trop sûrs d'eux, un peu trop arrogants. On a discuté de nos voyages respectifs et bien sur on a parlé budget. Ils sont partis chacun avec trois fois plus sue nous deux réunies! Ce a quoi Justine a répondu: "Nous, c'est un peu Pékin Express là!"'

[Chapitre 14] A l'heure iranienne

Mardi 13 mai, quelque part au nord d'Isfahan. Allongées dans l'herbe.

Nous prenons des habitudes locales. On se fondrait presque dans le paysage.
S'il y a une pratique couramment répandue, c'est bien le pique-nique. Les iraniens ont une organisation hors paire. Couverture, thermos pour le thé. Le moindre carré d'ombre est pris d'assaut par les familles, les grands mères ou encore les amoureux. Chacun hôte ses chaussures et s'installe autour d'une tasse de thé. Les femmes ont préparé des galettes de pommes de terre, une salade de tomates ou encore des pickels. Le dîner terminera par une poignée de graines a picorer. Les discussions courent jusque tard dans la nuit.


Les iraniens ont un rythme de vie en accord avec les contraintes climatiques. La ville cesse de s'animer vers 13:00. Les bazars, banques  boutiques et écoles ferment leurs portes vers 14:00, pour rouvrir vers 17:00, lorsque l'intensité du soleil baisse enfin. L'animation se poursuivra jusque vers 21:00 au moins.
L'heure des repas en est donc d'autant impactée. Le déjeuner se prend vers 14:00. Il a été précède d'une collation vers 11:00, souvent une glace en ces jours de fin de printemps. Vers 18:00, chacun grignote un petit quelque chose. Il faudra bien tenir jusque vers 21:30, parfois même jusqu'à 23:00 pour passer au dîner. 
Les iraniens mangent et dorment a même le sol, sur leurs épais tapis. Notre souplesse n'est pas vraiment aiguisée a ce genre d'exercice! 

A l'heure du coucher, les tapis sont recouverts d'une couverture moelleuse. Lorsqu'il s'agit de manger, on pose une nappe en plastique sur laquelle prennent place les assiettes. Quelle surprise de voir arriver Massoumé avec son plat de spaghettis sauce tomate et de le poser sur le tapis beige!
Ici, on se sert tous dans le même plat,directement dans son assiette. Point de couteau. Cuiller et fourchette sont de rigueur.
Le riz est omniprésent sur les tables iraniennes, tout comme le lavash, un pain tres fin et élastique, déjà rencontré en Arménie.


A toute heure de la journée, du thé chauffe sur la gazinière. La théière est composée de deux éléments. Dans la partie inférieure, l'eau boue et vient chauffer l'élément supérieur. Il contient un thé rouge et fortement infusé. Versé dans un verre, il est ensuite dilué avec l'eau bouillante. Un sucre coincée entre les dents, la boisson encore chaude vient faire fondre les cristaux de sucre.
Après déjeuner, le thé laisse place a la sieste, indispensable dans la journée iranienne.


Dans les bazars, dans les maisons, sous les tonelles ou dans les parcs, les iraniens siestouillent. Il faudra bien cela pour tenir jusqu'à minuit ou une heure du matin.

Il faudrait aussi parler de la conduite, très... Locale! De cette façon déroutante qu'ont les voitures a s'insérer en sens inverse, de la priorité très relative (voir inexistante) des piétons, de la course folle des taxis slalomant sans scrupules dans des voies trop étroites ! 

Pour les longs déplacements, nous options pour le bus VIP, de confortables bus aux sièges larges et inclinables. Pour tout les trajets, nous recevons une petite boîte contenant jus, biscuits et autres collation. Les tarifs sont des plus compétitifs (300 000 rials, soit 8€, pour 500km) et permettent de traverser le pays aisément.

[Chapitre 13] Les rencontres font les voyages

Nous poursuivons nos déambulations. Nous voilà à Ispahan, en cette fraiche soirée de mai. Ce soir là, nous allions faire l'une des plus belles rencontres de notre séjour, par le plus charmant des hasard. Justine et moi nous perdons dans les volutes des arabesques de la Mosquee de l'Imam. 

Elaheh et Payam nous interpellent, curieux de savoir d'où nous venons et ce qui nous a conduit ici. Payam est étudiant en sciences naturelles, mais il s'est pris de passion pour les langues et plus particulièrement pour le français qu'il maîtrise parfaitement. Sa petite marotte? Les expressions françaises! Elaheh, son amie, est étudiante en littérature francophone. Elle aime la poésie, notamment les poètes parnassiens. Il lui reste 4 mois pour terminer son mémoire portant sur l'influence de la guerre et de la mort sur l'homme contemporain...


Nous allons discuter longtemps, ce premier soir. De nos vies en Orient et en Occident, de littératures et d'artisanat iranien. A l'heure où le bazar ferme ses portes, Payam nous propose d'aller nous balader vers le pont Khajù. Ses 24 arches, abritant des vannages, enjambent la rivière. L'animation bat son plein. La nuit est tombée depuis longtemps déjà. A l'abri sous les arches, les générations se retrouvent pour chanter, laissant ainsi s'exprimer à la fois la mélancolie de leur peuple ou la joie des temps heureux. Cachés, là où personne ne peut les entendre, les hommes et les femmes entonnent des musiques traditionnelles "la police ne viens pas jusqu'ici" nous glisse Payam. La musique est interdite par le régime.

Nous grignotons biscuits et pistaches sur les hauteurs du pont. Le temps suspens son cours. 
" ...allons ensemble découvrir ma liberté, oubliez donc tous nos péchés. Bienvenue dans ma réalité... ". Nous entonons gaiement, a demi-voix les rimes de Zaz, connus de nous quatre.
Allez, " on se casse", il est tard. Encore une expression dans la besace de Payam. Il est incroyable!
Nous nous retrouverons le lendemain soir, pour un pique nique, sous les céramiques bleues d'Ispahan. Nous parlerons de Rimbaud, Verlaine, Baudelaire ou Théophile Gautier, du Visa de Payam pour le Canada.


Comme si nous ne pouvions quitter Ispahan sans revoir, une dernière fois, Payam et Elaheh, nous nous donnons rendez vous pour une glace au Safran, la veille de notre départ. Dernières photos, dernières balades, derniers cadeaux pour ne pas oublier. Une carte postale rédigées en farsi :
" Chère Marine,
Notre rencontre place de l'Imâm m'a fait grand plaisir. Je souhaite que ton voyage soit plein de succès.
Payam"


Nous nous quittons dans de grandes embrassades avec l'idée de nous revoir, ici ou ailleurs...

jeudi 28 mai 2015

[Chapitre 12] Dans les yeux bleus d'Isfahan

À peine nos sacs poses a l'hôtel, la tentation est trop forte. Nous nous engouffrons dans les ruelles étroites qui enserrent le bazar. A cette heure, l'activité bat son plein. Les artisans cisellent des plateaux en argent, d'autres dessinent des arabesques voluptueuses sur des assiettes bleues. Il y a aussi les miniaturistes, les marchands de tapis et autres commerçants aux étoffes colorées. Nous quittons les allées couvertes du bazar pour rejoindre la vaste place.
Le soleil arrose de ses derniers rayons les briques ocres de la place royale. Splendeur...

On ne rejoint pas Isfahan sans avoir rêvé pendant les trois heures de trajet aux discussions animées des caravansérails, à toutes les richesses matérielles et spirituelles que l'Orient et l'Occident ont pu échanger pendant plus de quinze siècles. Il faut s'être préparé à tant de splendeur. À cette orgie de couleurs et d'arabesques, au turquoise des coupoles qui semble défier l'émeraude et le lapis-lazuli des céramiques. Au labyrinthe des médersas, des mosquées, des bains, des harems et des mausolées dont les noms complexes se mêlent aux généalogies des différentes dynasties. La légende raconte que celui qui a vu Ispahan a vu la moitié du monde. La légende dit peut être vrai...
De hauts murs abritent des échoppes, formant une vaste place carrée. Au centre, on y trouve des jardins et des fontaines. De part et d'autre de la place, de hautes portes sont couvertes de céramiques bleues. Il y a aussi le palais Ali Qapu et ses plafonds de bois finement peints
Silence. La beauté des lieux est a couper le souffle.

Notre visite de la ville se poursuit dès le lendemain. Nous prenons la direction de la Mosquée du Sheikh Lotfollah surplombée d'un superbe dôme jaune aux arabesques délicates puis nous faisons route vers la mosquée du Vendredi au nord de la ville. Un vaste réseau de bazars serpente à l'ombre sous de hauts murs de brique . il permet de traverser la ville sans jamais mettre le nez dehors. Nous arrivons à la Mosquée du Vendredi. Construite sur 10 siècles, elle porte les traces d'autant de courants architecturaux différents. Au début de l'ère safavide (XVIème siècle), les céramiques bleues apparaissent en pointillés. Elles viennent habiller les constructions de briques, au décor harmonieux. Puis le bleu devient plus présent, plus intense. Les pigments de lapis-lazuli prennent leurs traits de noblesse. Les rayons du soleil, maintenant au zénith, viennent rehausser la splendeur des lieux.

Il est bientôt l'heure de regagner la maison de Ghazale, notre hôte d'Ispahan. Elle nous invite a déjeuner, avec son petit Navid de 4 mois seulement. Discrète, souriante, elle est d'une aide précieuse pour la préparation de notre séjour. Le lendemain soir, nous dormirons dans son vaste salon. Au dîner, nous récidivons l'opération "ratatouille". Un petit moment de France a partager avec Saïd son mari, sa tante et sa fille Bahar qui apprend le français. Ils viendront a Paris en août, si Dieu le veut!

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette ville, les rencontres que nous y avons fait et les trésors qu'elle recèle. Cette cité est incroyable et ne peut laisser le visiteur indifférent. Il est temps pourtant de tourner la page, de changer de chapitre. Nous partons pour de nouvelles aventures, direction Shiraz.

En fermant les yeux, les dessins délicats des céramiques bleues d'Ispahan continuent à habiter mes rêves. Il faudra revenir, certainement...

[Chapitre 11] - "C'est l'histoire d'un mollah..."

"C'est l'histoire d'un mollah qui suit un bus de militaires iraniens. Les jeunes soldats dansent et chantent, en direction du front irakien. Soudain la voiture du mollah double le bus. Les soldats changent de registre : chants religieux et larmes d'opérette. Quand le mollah les dépasse, les soldats recommencent a chanter et a s'amuser!".
Rires.

"On raconte beaucoup de blagues sur les mollah" nous souffle Monsieur I*. dans un soupire rieur .
Nous profitons des premières heures de la nuit sur un tapchak, sorte de plateforme en bois couverte de tapis. Assis en tailleur ou jambes tendues, nous sirotons le verre de thé préparé par Massoumeh.

Plus tôt dans la soirée, nous avons déposé nos bagages, vivres et couvertures dans le "connexe", comprenez l'un des hebergements annexes au caravansérail. Ce dernier a été entièrement réservé par un groupe de retraités iraniens originaires de Téhéran. Malgré le confort spartiate du bungalow dans lequel nous allons passer la nuit, la soirée allait s'inscrire comme l'une des plus marquantes qui nous soit donnée de vivre.

Étrange atmosphère. Nous prenons nos marques. Regards croisés avec Justine : il n'y a que des hommes. Massoumeh me fait remarquer qu'il me faut remettre mon gilet. Les hommes d'ici ne sont pas habitués a tant de frivolité. Il faut dire que mon chemisier descend tout juste en dessous de mes fesses! Après une rapide visite du caravansérail, il est l'heure de dîner.
Alors que nous fumions lentement le Narguilé apporté par Ali, un homme aux cheveux blancs et a la moustache est venu échanger avec nous, dans un anglais impeccable. Il était heureux d'échapper à son groupe d'anciens combattants, qui n'avaient guère de conversation et priaient du soir au matin.

Nasser I. nous raconte qu'il est un  ancien pilote de ligne. Au fil de la conversation, nous apprendrons qu'il a été l'un des héros de la guerre Iran-Irak, reconnu pour des faits d'armes dans des batailles décisives. Nous comprendrons également qu'il est interdit de quitter le territoire. Sûrement pour des propos trop peu policés et une libre pensée incompatible avec le courant majoritaire.
Monsieur I. est un homme plein d'entrain et de bonne humeur. Il est bientôt rejoint par deux jeunes, les photographes du groupe. L'un d'eux sort une vidéo. C'est le shah d'Iran, avant la révolution. Avant la république islamique " Avant on était libre" dit-il. "Les mollah ont apporté la tristesse et la haine. Ce n'est pas ce que Dieu veut. Qui peut interdire les homme d'être heureux? De chanter?". Monsieur I aime chanter, en français, en farsi ou en anglais. 
" When I was a little girl,
I asked my mother, what I will be
Will I be pretty, will I be rich
Here's what she said to me...",commence-t-il a entonner, d'abord a demi-voix. 

Nos compagnons de tablée viennent l'accompagner en claquant des doigts. Derrière nous, à peut être cent mètres, un homme gros et gras fait les cents pas "he is a Mollah" nous glisse-t-il. Et alors, comme un pied de nez au regime, comme pour se prouver qu'on existe malgré ce pouvoir oppressant, Nasser élevé la voix, chante plus fort. Il flotte comme un air de liberté dans le désert de Maranjab, en ce dimanche de mai.

Les visages se tendent, les rires cessent. Un homme d'une trentaine d'années, chemise à haut col blanc et à la barbe bien taillée s'est invité à notre table. C'est un mollah. Il est accompagné de jeunes hommes, la vingtaine a peine, qui le suivent comme son ombre. Ce sont des gardiens de la révolution.
Sans même nous décrocher un regard, le mollah bombarde Massoumeh de questions à notre sujet. Le climat a changé, chaque mot semble pesé. Bien que nous ne comprenions pas tout, loin de là, notre présence intrigue et semble en contradiction avec les référentiels de ces hommes de pouvoir, de terreur.
Monsieur I. continue de converser avec nous, en anglais. Il nous assure que ces hommes ne sont pas représentatifs du peuple iranien. Ce dernier a été conquis par les musulmans, mais gardent en eux les valeurs du zoroastrisme : avoir le coeur pur, l'esprit honnête et le parler franc. 

Derrière le Mollah, ses deux sbires s'attachent a nous photographier, Justine et moi, en douce derrière leur smartphone. Et Allah dans tout ça?
Le type libidineux finit par nous rejoindre. Il interroge sur notre religion. Massoumeh explique que nous sommes catholiques. Les visages se figent.
Nous n'aurons malheureusement pas la traduction de l'intégralité de la conversation. Elle était sûrement d'un vif intérêt...

Une fois les mollah partis, nous avons conversé avec Monsieur I. jusque tard dans la nuit. De la guerre Iran-Irak, ce conflit fratricide qui arrangeait bien l'Occident, de ses études aux états unis, de ses conquêtes, de sa femmes avec qui il ne partage plus rien et dont il va divorcer, de l'Iran et de ses merveilles.
"Vous êtes deux adorables jeunes femmes. Si vous n'étiez pas si jeune et moi si vieux, je vous prendrais comme fiancées". En me regardant : "Allez, emmène-moi avec toi, on se marie - Je ne suis pas si vieux. Seuls mes cheveux sont blancs, tout le reste est très jeune - Mon dieu, si ma femme entendait ça!". Rires.

Ainsi s'est achevée cette soirée mémorable, quelque part dans le désert de Maranjab, au pied d'un caravansérail que tant d'hommes ont fréquenté. Loin, très loin, de notre monde connu.

Le lendemain dans la voiture, alors que nous quittons cette parenthèse intemporelle, Massoumeh se tourne vers nous : "About yesterday. Forbiden you to speak. Secret."
Il résonne encore dans ma tête cet air de liberté: "When I was juste a little girl..."

* Monsieur I : Monsieur Nasser Izadi. Compte tenu de la teneur des propos de cet article, j'ai volontairement flouté le nom de notre interlocuteur le temps de notre voyage.

[Chapitre 10] - Pour leur montrer qu'ils ont tord

"A ce rythme la on va repartir avec 5000 photos"
"Oui, mais comme ça on pourra leur montrer qu'ils ont tord" répondit Justine à sa comparse de voyage.

Tord de bout en bout. Ce pays est tellement loin de tout ce qu'on imagine. Noyés dans l'ignorance, encombrés par les discours politisés, les voyageurs viennent peu nombreux a la rencontre du peuple iranien et de sa culture millénaire.
  • Tord sur le rôle de la femme. Parce que les femmes conduisent, étudient et travaillent. 
  • Tord sur la situation économique du pays. Par ce que même si les difficultés ne sont pas minimes, que le chômage est loin d'être négligeable, la pays commerce avec le reste du monde, en particulier avec la Chine.
  • Tord sur l'accès aux médias et aux informations. Parce que toutes les familles ont le satellite et profitent de programmes iraniens hébergés a Dubaï. Parce qu'ils ont accès a Facebook, skype et whatsap.
  • Tord sur le rapport a la religion. Car les plus rigoristes ne sont pas majoritaires, mais qu'ils font beaucoup d'ombre aux plus modérés.
  • Tord sur les infrastructures du pays. Parce que le réseau routier est dans un état que peu de pays sauront égaler, parce qu'il est possible d'acheter ses billets de bus sur internet, parce que les trottoirs sont pavés et propres 
  • Tord sur l'intérêt du pays, qui ne compte pas moins de 17 sites classés au patrimoine mondial de l'UNESCO...

N'en déduisez pas trop vite que ce pays n'a aucun tord. Je pourrais aussi vous parler des mariages arrangés, de la dettes du pays, de l'homosexualité passible de la peine de mort, du taux de chômage qui frise les 30%...Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit ici...

[Chapitre 9] - Marchands d'étoffes

Le soleil décline vers le lointain. Les dunes s'ornent d'ocre beige, virant parfois sur l'orange. Les bergers battent le rappel de leurs troupeaux de chameaux.
La nuit est dangereuse dans le désert. Guépards et loups rodent à la recherche de leurs proies. Il y a aussi des brigands, attirés par les trésors transportés par des marchands venus de toute l'Asie Centrale.

Nous sommes peut être en 1670, peu ou proue. Timur a fait la route depuis Kashgar, en Chine. Il y a là-bas un grand marché et des soieries réputées. Sa peau brunie par le soleil laisse apparaître de petits yeux rieurs, à la forme allongée.Il a fait de sa vie une transhumance. Voilà quatre ans maintenant qu'il s'est lancé dans cette épopée, revenant chaque fin de saison dans son village natal. Il a repris la route il y a 3 mois, tout juste après les dernières neiges. Il a traversé les montagnes jusqu'à la vallée de la Ferghana, en territoire ouzbèke. Il a ramené de Boukhara quelques tapis, qu'il espère revendre à Istanbul Généralement, les marchands ne partent pas si loin. Mais Timur est audacieux, curieux du monde qu'il l'entoure.
Il a marché toute la journée a travers le désert. Son cheval est chargé de marchandises. Tous deux sont épuisés. Le Caravansérail parait encore loin.
Telle une citadelle perdue dans l'immensité, ses formes se fondent dans la nature. Timur sait qu'il trouvera ici le gite, le couvert et surtout la sécurité. Des gardes armés s'assurent que les hôtes peuvent commercer en toute quiétude et trouver le repos dont ils ont fort besoin. Cette condition est indispensable pour perpétuer les échanges marchands.

Au pied des portes, Timur fils de Abir, né à Baba Ali près de Kashgar, montre patte blanche. Il est déjà bien tard . Les caravanes sont arrivées depuis longtemps. Timur est épuisé.
La lourde porte en bois ciselée d'étoiles et certie de métal s'ouvre devant lui. A l'intérieur, les hommes s'afférent. Dans les alcôves, les marchands offrent leurs précieux trésors en échange d'autres biens qu'ils pourront revendre ailleurs. A l'étage, d'autres ont trouvé le sommeil, harassés par un long voyage. Il se serrent, couchés sur d'épais tapis. La nuit est froide dans le désert à cette heure.
Timur conduit son cheval à l'étable. Il y en a une de chaque côté du caravansérail. Les bêtes y trouvent de l'eau et du foin. Elles doivent de reposer pour affronter une nouvelle journée. Il est également possible, si on en paie le prix, de changer sa monture pour une meilleure. Ceux qui veulent aller vite et qui en ont les moyens s'offrent ce service.

Pour l'heure, Timur se dirige vers les cuisines. Pour quelques Tomans, il peut de rassasier de riz et fruits secs. Il y a aussi un feu, sur lequel grillent des Kebab, ces brochettes d'agneau ou de boeuf dont les marchands raffolent.
C'est l'heure du thé. Massoumeh nous apporte des tasses et du sucre. Je relevé la tête et sort de mes songes. La tête dans les étoiles, je ne sais pas qui de Timur ou de moi rêvera le plus longtemps de cette journée et de toutes celles qui nous attendent encore, quelque part sur les Routes de la Soie...