vendredi 23 janvier 2015

[Chapitre 7] - Tayrona, de l'enfer au paradis

4 janvier 2015, en route pour le Paradis.

Le Parc National de Tayrona fait partie des plus belles images de Colombie. Les plages de sable fin sont accessibles après 1h de bus et 3 heures de trek dans la jungle ou 1h de bateau depuis Taganga. Ne pouvant y rester qu'une journée, j'opte pour l'aller en bateau et le retour en bus, ce qui me permettra de profiter des plages et de traverser le parc naturel. Une autre option, bien meilleure, consiste à dormir sur place afin de profiter de l'incroyable diversité des lieux.

Mon ticket indique un départ à 8:30. Je suis sur la plage des 8:00, à siroter un petit jus devant la plage déserte. 8:30, 8h45, 9h00...toujours rien en vue. Renseignements pris auprès d'un membre de la compagnie, le départ est à 9:30. Arf... Il devait être avancé afin d'avoir des conditions météo plus favorables. En effet, la mer était assez agitée les jours derniers.

Enfin on embarque. Je discute avec un couple d'italiens et un canadien. Hop, en mer moussaillons!

Taganga est situé dans une baie, a l’abri des vents. A peine somme-nous sortis de l'anse que le vent gonfle et les vagues viennent claquer sur la coque du rafiot. Le bateau, doté de deux moteurs de 200 chevaux, glisse sur la surface de l'eau. Nous sommes éclaboussés. Eclats de rire. Plus nous distançons les cotes et plus la mer gronde. Bientôt nous sommes seuls au milieu de l'immensité. Les minutes s'égrainent et la houle se transforme en creux de plusieurs mètres. Les rires laissent place aux premiers frissons, puis a un silence de plomb. 

A chaque vague  succède une plus grosse encore. Assise à l'avant du bateau, je saisie le bout solidement arrimé à l'ancre. Je m'y accroche de toutes mes forces. Par-delà le bateau, la mer est terrifiante.
Les minutes sont interminables. Mon voisin, blême, vomi tripes et boyaux pas dessus bord.


C'est étrange comme, en de pareilles circonstances, notre esprit vagabonde. Je suis prête à parier que, parmi les 25 passagers que nous étions, les plus terrifiés remettaient leur sort entre les mains d'un Dieu, quel qu'il soit. Pour ma part, je ne pouvais m'empêcher de me dire que la capitaine connaissait son boulot, et qu'il devait nécessairement  avoir les qualifications requises. Rationalisme quand tu nous tiens! 

Mais le bateau, la structure était-elle conçue pour résister à ces conditions? Jusqu'à quelle hauteur de vagues pouvions nous tenir? Si cette coquille de noix venait à se renverser, je ne donnerais pas cher des passagers... J'imaginais déjà les gros titres des journaux. Ils auraient été similaires à ceux que je lisais, la veille dans le Monde. Encore un bateau de réfugiés en perdition en Méditerranée, des dizaines de disparus.


Une nouvelle vague, encore une rinçade qui vient s'abattre sur nous. Mes fesses glissent sur le banc, l'eau de mer me pique les yeux. Je décide de ne plus les ouvrir et d'attendre. Attendre que nous arrivions. Pour sûr, nous approchons. Depuis le temps que nous écumons les embruns, on s'approche forcément. Moment de lucidité : j'ai même pas le mal de mer!

La jambe de mon voisin tremble contre la mienne. Le pauvre bougre est tétanisé. Je tente un "Are You OK?", sans même en entendre la réponse. De toute façon, pour quoi faire?


Enfin nous apercevons la pagote. Bahia San Juan, terminus de ce voyage en enfer. Il aura duré une éternité. Une heure et 40minutes en fait...

Notre embarcation
Bienvenue au Paradis. Plages de sable blanc, cocotiers, rochers ronds dans lesquels viennent se fracasser des vagues turquoises. Force est de constater que je ne suis pas la seule au paradis. La plage est peuplée de créatures au corps de rêve et à la peau mate. Il y a un monde fou. Ça casse même un peu le rêve, disons qu'il faut le partager! Les gardes côtes surveillent la baignade, extrêmement dangereuse compte tenu des courants. Je reste plus d'une heure à contempler ce paysage de carte postale.



Tayrona ne se cantonne pas à cette plage. Il me faut traverser l'ensemble du parc pour rejoindre le terminal des bus. L'aventure recommence. 



Je longe successivement d'immenses plages de sable fin, de petites criques abritées, puis c'est la jungle. La forêt tropicale et sa végétation luxuriante. 3 heures de marche m'attendent à travers ce paysage tout droit sorti d'un épisode d'Indiana Jones. En réalité, impossible de se fourvoyer. Un seul chemin traverse le parc, et je ne suis pas la seule l'emprunter en cette période de grandes vacances...



Au détour d'un virage je tombe sur deux têtes connues: Diana et Iñike. Elle est colombienne, lui espagnol. Ils habitent tous les deux dans le nord de l'Espagne. Nous avions fait connaissance à Cartagena, la veille. Avant de quitter l'hôtel, je demandais à la réception le meilleur moyen d'aller à Santa Marta, ma prochaine destination. Toutes les navettes "puerta-puerta"(porte à porte) étaient complètes. C'est alors qu'ils m'ont proposé de partager un taxi jusqu'à la gare routière, située à 45 minutes du centre-ville. De fil en aiguille nous avons sympathisé, échangé nos coordonnées. Nous avons même fait l'intégralité du trajet jusqu'à Santa Marta ensemble. Puis nous nous sommes donné rendez-vous à Bogota dans une semaine. C'était sans compter sur le hasard, qui allait nous mettre sur le même chemin, dans 20 000 hectares de parc. Nous avons donc fait route ensemble. Iñike a tenté de décroché une coco sans succès. On a ri. La veille il avait réussi, un homme, un vrai!


Enfin nous arrivons à leur campement. Des ecolodges et des hamacs sous une paillote. Super mignon, l'option à retenir sans hésitation. On bavarde et l'heure tourne. D'après eux, il me reste 1:30 de marche jusqu'au parking. Et le dernier bus part dans 1:30 tout juste. Une bise et hop, en route. Faut pas traîner. 
Je chope un bon rythme, je dépasse d'autres marcheurs. Le chemin serpente dans la jungle, gravit des roches et des pentes abruptes, traverse des cours d'eau. Je hausse le pas. Apres tant d'effort ce serait ballot de rester coincée a la sortie du parc!








Enfin j'aperçois les premières voitures. Retour à la civilisation. J'ai mis 50 minutes au lieu d'1:30. Bon rythme! Je suis dégoulinante et poussiéreuse. Quelle journée!


Le périple n'est pas fini. Apres 2:30 dans un minibus avec seulement 10 cm pour glisser les jambes, j'arrive épuisée a l'hostel.


Une bonne douche, une petite robe sympa et zou, je sors dîner.
Il est 20:00, j'ai pas tellement faim mais une virée dans le petit resto français de Delphine et Jérôme suffit à me motiver.


Je raconte mon épopée maritime à Jean Noel, skippeur de carrière. Il me confirme qu'effectivement c'était dangereux, cependant leur embarcations sont conçues pour et la puissance des moteurs était de bonne facture. Pour autant, lui n'aurait jamais pris la mer avec des passagers...

De jus d'ananas en mojito maracuja (sorte de fruit de la passion), nous discutons jusqu'à 23:00 passée. Il est temps pour Cendrillon de regagner son dortoir!





Quelle journée...



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