Taganga, 3 janvier 2015,
Me voilà échouée au pays des hippies et des fumeurs de marihuana. Tatouages,
dreds locks, nus pieds. On se croirait tout droit sorti de Woodstock. Bof...
La plage est noire de monde. Le
charmant village de pêcheurs d'antan est devenu un incontournable du Gringo
Trail, comprenez des jeunes touristes étrangers venus pour faire la fête sur
les côtes colombiennes. Re-bof...
A la recherche d'un petit coin
pour diner, je tombe presque par hasard sur "A derivio", une
charmante devanture toute en délicatesse, charme raffiné, au ton juste. Ça sent
la French Touch à plein nez. Je me hasarde à un "¿Hables frences?"
auquel Delphine répond avec un grand sourire "Oui, bien sûr". Ainsi
allait commencer une excellente soirée, qui se prolongerait encore plus tard le
lendemain...
Delphine au service, Jérôme son compagnon en cuisine. Elle était chargée de
communication a l’EDHEC, lui cuisinier chez Fauchon. Ils se sont rencontrés
avec des envies de bout du monde. Ils ont tout quitté il y a 4 mois pour tenter
l'aventure colombienne après un séjour coup de cœur en mars dernier.
Jean Noel leur a filé de pouce pour démarrer le buisines. Depuis hier, il est à
la plonge.
Jean Noel, skipper au long court, a 70 ans et des milliers de kilomètres dans
les voiles. Il a passé sa vie en mer, sur un catamaran. D'abord en méditerranée,
il a ensuite mis le cap sur les Antilles. La Barbade, la Réunion, ...
Années 80, coup d'état en Haïti. Dans un bar mafieux, il est repéré par un caïd
de la place. De fil en aiguille, il se met à transporter des haïtiens
fuyant le régime. Il les convoie en France, sur l'ile de la Réunion. 1000USD
par tête, l’Age d'or. Du trafic d'immigres penseront certain, de l'humanitaire
d'iront d'autres. Le premier jour, il en a eu 22. Ça a duré plusieurs mois.
Ensuite les américains lui ont piqué le marché. Ils se sont portés libérateurs
d'Haïti, ils ont du même coup tué la poule aux yeux d'or.
Jean Noel a mis le cap sur le Venezuela. C'était avant le tourisme de masse, avant
Chavez, avant l'insécurité. C'était du tourisme huppé, des européens aisés qui débarquaient
emmitouflés dans leurs pullovers dans une baie encore sauvage, tout juste
descendus d'un petit coucou après une escale expresse à Caracas. Au bout de la
piste, la mer et le catamaran de Jean No. Il y a aussi eu des pécheurs sportifs
a mouche, venus pécher un poisson plein d'arrêtes dans des lagons cristallins, prêts
à débourser une petite fortune pour ce qui se fait de mieux en pêche sportive.
C'était le bon temps tout cela. Des milliers de dollars en poche, ça aurait pu
durer des années.
Et puis le vieux loup de mer a été rattrapé par le cancer. Dégât collatéral de
son service militaire à Mururoa, aux essais nucléaires. Et puis tout
s'enchaine. Le bateau mis au nom du fils de sa compagne, celle-ci qui se tire
avec. Officiellement il a coulé. Jean Noel affirme que non... Il a des contacts
dans le milieu. Le rafiot navigue encore.
Je bois les récits du globetrotteur.
Il me parle pêle-mêle des indiens d’Amazonie chez qui il a passé 15 jours, des Alizées
qui secouent la cote colombienne en ce moment, de ses femmes successives et des
tracas qu'elles lui ont apporté, de sa nouvelle vie en Colombie avec sa
compagne de 20 ans sa cadette. Entre deux histoires, un verre de vin. Son péché
mignon c'est la bouteille. Il le sait "faut bien mourir de quelque chose
hein...". Il me propose une cigarette. Pas n'importe laquelle, de la
contrebande vénézuélienne. 10 centimes le paquet au Marché Noir, imbattable. Il
a ses filons: cigarette, alcool... Tout le monde le sait, faut juste rien dire!
On bavarde longtemps. Entre deux histoires il file à la plonge.
22:30, la petite Marine doit
regagner ses pénates. Demain matin, direction le parc Naturel de Tayrona...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire