Si vous aviez vu votre tête,
quand on a annoncé qu'on explorerait les pays Baltes en autostop.
- les incrédules : "mais
pourquoi ? Je ne comprends pas"
- les matérialistes : "
les bus sont si chers que ça ? "
- les anxieux : " c'est
dangereux le stop non? Vous n'avez pas peur de tomber sur un fou ? Imagine
tous les violeurs et les serrial killers qui trainent de nos jours" (à
moi-même : ah bon, tant que cela?)
- les ébahis : "waouh,
c'est une idée dingue, j’adore !»
- les résignés : "En
même temps, celle-là tu ne nous l'avais pas encore faite. Une idée saugrenue de
plus..."
Tout a commencé en juin, avec
Aurélie. Nous participons à la MadJacques, une course en autostop au départ de
Paris, Lyon et Nantes. 800 participants costumés lancés dans une course de
vitesse et de rencontres à destination d'un petit village de la Creuse. La plus
grande course en autostop jamais organisée au monde, 500 kilomètres à avaler
sur la journée. Une découverte et une révélation pour nous. C'est aussi notre
première expérience, avec filet et assistance, car tout est bien organisé ;
depuis l'appli de géolocalisation jusqu'aux voitures balais pour les équipes en
perdition. Nous arrivons 40ème sur 800, une belle performance.
Comme toutes les premières
fois, nous nageons entre découverte et hésitation, une flottaison entre deux
eaux qui nous donne le goût de l'aventure. Le pouce s'impatiente, il ne demande
qu'à repartir.
Le voyage dans les pays
Baltes se précise. Il s'annonce bien sage, peut-être un peu trop. Lorsqu'arrive
le sms d'Aurelie "et si on y allait en stop ?", c'est l'étincelle. En
quelques secondes l'affaire est pliée.
De mon côté j'hésite
longuement à commencer mon périple en stop. Il devait initialement débuter en
Biélorussie, mais une sombre histoire de visa refusé compromet mes plans. Cap
sur Gdansk, en Pologne, et quelques trajets de nuits pour corser la sauce. Pas
le temps de faire du stop. Et puis toute seule sans vraiment maîtriser le
sujet, c'est peut-être un peu trop audacieux, ou inconscient, s'est selon.
Nous voilà à Kaunas, en Lituanie,
prêtes à affronter le bitume, l'esprit ouvert à la rencontre. Le pouce s'agite,
il trépigne. Nous sommes parfaitement complémentaires. Aurélie est méthodique
et organisée. Elle étudie minutieusement la carte avant de se lancer tête
baissée. Elle analyse le spot idéal, surfe entre google maps et google street
view pour dénicher la meilleure station-service. Sur place, je prends la suite.
J'active sourire, bonne humeur et relationnel pour créer du lien, rapprocher
nos mondes et faire naître la rencontre. Je suis un peu le "GO" de la
bande. Nos deux pouces sont complémentaires. Le rire est notre meilleur ami.
Pour sûr, les belles
rencontres se provoquent. C'est un état d'esprit, un alignement des planètes
qui fait que deux êtres se rencontrent. C'est ainsi que nous avons croisé le
chemin de cette famille finlandaise sur le chemin de Malaga, un couple de
jeunes anglais qui s'est pris d'intérêt pour notre épopée, une religieuse qui
priera pour nous, des russes qui se seraient plié en quatre pour nous faire
tenir dans la voiture si nous n'avions pas été deux (leur voiture débordait de
bagages), et tant d'autres sourires échangés.
Faire du stop, c'est admettre
un échange humain sans relation marchande. Un instant de partage de quelques
minutes à quelques heures, sans conséquence, avec un début et une fin. Peut-être
y aurait-il une continuité, mais rien n'est certain. Il faut être prêt à
s'ouvrir à l'autre sans contrepartie, qu'on soit voyageur ou conducteur. Pas si
simple dans notre monde sous contrôle où le lâcher prise est une denrée rare.
L'intuition est notre
meilleure arme. Bien sûr, les risques existent, en premier lieu les accidents
de la route. Un regard sur la voiture, une analyse succincte de la conduite,
puis un coup d'œil au conducteur pour ressentir et faire confiance à son
instinct. Il faut aussi faire tomber ses propres barrières sociales. Papa et
maman ne nous ont-ils pas appris de ne pas monter en voiture avec des inconnus ?
On aurait presque l'impression de désobéir, si on n'était pas tant convaincues
par le pouvoir de la rencontre.
Ainsi s'achève ce carnet de
voyage. Il t'aura peut être donné envie de tenter l'autostop, ou d'ouvrir ta
portière à des inconnus. Penses-y lorsque tu les verras, sous la pluie, le
pouce en l'air et le sourire au vent !
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