Parfois on se lève le matin, plein d'entrain et d'optimisme.
Prêtes à braver les kilomètres, à abattre du bitume, à converser avec le
premier venu. C'est certain, le Riga-Talinn se fera en un coup de pouce.
Ou pas. Nous prenons place à la station-service du terminus
du tram #6. Un spot idéal à l'embouchure de l'autoroute qui mène de Riga à
Tallinn. À y regarder de plus près, c'est un joyeux bordel. Une fourmilière de
gens pressés, le pied sur l'accélérateur et le regard absent. Le chassé-croisé
des voitures est incessant. Difficile de s'y retrouver. Il s'écoule à peu près
une demi-heure avant qu'Aurelie aborde Matias. Il organise un team building à
50km au nord de Riga. Il peut nous déposer avant de bifurquer. C'est entendu,
marché conclu. On passe chercher son collègue en chemin. Ils sont adorables
tous les deux, et avides de partager leur culture et leur histoire.
Leur GPS indique qu'ils doivent bifurquer. Pas de station-service.
Les voilà tout chagrinés. Aurélie est portée par l'élan du pouce et leur
déclare tout à fait normalement.
"Ici c'est très bien. On va vite repartir et les
voitures roulent assez doucement"
Mais ça va pas dans sa petite tête ? On est au milieu
de nulle part, sur la route principale qui traverse le pays, au milieu de la
forêt.
Heureusement il y a un abris-bus à une centaine de mètres.
Les deux Lettons sont rassurés, nous aussi. Au moins quand il pleuvra on sera à
l'abri. Parce que, évidemment, il va se mettre à pleuvoir !
Pour la première fois on joue au "pouce-pancarte".
Le vrai stop en somme. Un pouce en avant, une feuille dans l'autre main, et des
sourires à s'en décrocher la mâchoire. Nous tenons le pouce ferme et fier. La
pancarte n'était pas encore achevée qu'une camionnette nous proposait de nous
pousser à 4km de là. Hum... Il nous reste 250 bornes. À ce rythme on n'est pas
arrivées. Convaincues de repartir aussi sec, on décline la proposition.
Voilà 1h30 qu'on attend. Il se met à pleuvoir. Le pouce
s'impatiente. Nous avons quitté Riga il y a 3heures et avons parcouru 50km. À
cette allure on risque de passer la nuit ici.
Un bus s'arrête. On range le pouce au fond d'une poche et on
décide monter à bord. Station-service en vue, vingt kilomètres parcourus hors-piste,
mais qu'importe. Nous voilà dans notre élément, prêtes à partir directement
pour Tallinn. Maintenant c'est certain, rien ne peut nous arrêter.
À la pêche, ça mord ou pas. Le pêcheur averti prend son mal
en patience. S'il rentre bredouille, qu'importe. Il aura passé un bon moment.
Sauf que le stop, c'est différent. L'intérêt réside dans la rencontre. Alors
quand les minutes s'installent, le temps semble long.
Qu'il l'est, sur cette aire d'autoroute. J'ai le pouce
triste. Personne ne veut de nous.
Bon... Ok... Ça fait plus d'une heure qu'on attend. Les
voitures rentrent toutes à Riga. Et dire que j'aurais parié qu'on dégoterait
quasi immédiatement une voiture direct pour Tallinn. J'ai le pouce ronchon. Un
bus devrait passer dans 15 minutes. Résignées, nous sommes prêtes à rendre les
pouces. Mais Aurélie ne se laisse pas abattre comme cela. Elle se lance, à
pouce perdu, dans une ultime tentative de "pouce pancarte" au bord de
la grande route. Je la regarde sceptique.
Elle a à peine porté le pouce en l'air qu'un gros 4x4 Lexus
met ses warning et lui dit de monter. Elle me fait de grands signes, je
rapplique avec les sacs, incrédule. Elle a le pouce en or!
Notre hôte est un peu rustre au démarrage. Il ne parle pas
bien anglais. Il a tout d'un mafieux soviétique, mais soyons honnête, on est
bien contente de l'avoir trouvé en route. Il rentre d'un rendez-vous commercial
dans la province russe de Kaliningrad, cette enclavée entre le Pologne et la
Lituanie. Il a l'air bien content d'avoir un peu de compagnie. On est
installées comme des princesses dans sa voiture de luxe. On se croirait dans un
canapé, à regarder le paysage défiler. On va avaler tranquillement les 250 km
qui nous séparent de Tallinn. On discute. Il est Azerbaïdjanais d'origine. Il
est venu en Estonie il y a 30 ans, pour son service militaire. C'était du temps
de l'Union Soviétique. Elle a éclaté. Lui est resté. Sa vie et sa famille sont
ici. On parle du Turkménistan voisin. Il découvre que je parle russe et se
détend immédiatement. On fait saute-mouton dans les deux langues. Le pouce est
heureux, la rencontre est belle.
On passe les portes de la ville à 16:02.
Le monsieur nous dépose à la prochaine station. Nous sommes
au bout du parcours.
Alors voilà, on l'a fait! Nous avons traversé les Pays
Baltes en autostop.
710 kilomètres parcours
7 véhicules empruntés
19 h de stop (dont 2h en pleine forêt!)
3 pays traversés en stop (et 5 sur la totalité du séjour)
Et d'innombrables belles rencontres, en voiture ou au bord
de la route.
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